En 2014, alors que María Alicia, enseignante du primaire, préparait sa classe pour une sortie scolaire, elle a demandé à ses élèves quels étaient les animaux ils pensaient voir en chemin et pendant leur aventure à la campagne. Ils ont parlé de vaches, de moutons, de chevaux, de chiens, de porcs et même de girafes et d’éléphants mais aucun enfant n’a nommé un animal natif de leur pays, l’Uruguay. Ils n’en connaissaient tout simplement pas.
Il y a un animal mystérieux dans notre ferme. Il laisse juste des empreintes de pas et des excréments. Mes parents disent que c’est un cerf des pampas.
À l’époque, Ayelén allait quotidiennement de la ferme de ses parents, au pied de la colline Cerro Áspero, jusqu’à l’école. Leur curiosité ayant été éveillée, Ayelén et ses pairs ont voulu en savoir davantage sur ce cerf, ses caractéristiques et ses habitudes, et si « l’animal mystère » était bien un cerf.
De l’avis de l’enseignante, il est essentiel d’écouter les intérêts des élèves pour s’ouvrir aux savoirs et à l’apprentissage. Elle est partie de la curiosité d’Ayelén pour en faire le cœur de son cours : un projet de classe à part entière axé sur une recherche conduite par les élèves.
Les familles ont aussi manifesté de l’intérêt et elles se sont engagées dans la mise en œuvre du projet. Elles se sont progressivement mises à faire des recherches, elles ont assisté à des conférences et à des réunions et participé à des événements de collecte de fonds pour financer une sortie de classe lors d’un événement de science active à la Fondation Temaikén de Buenos Aires, en Argentine.
L’enseignante María Alicia en a conclu que ce qui semblait être au départ un petit projet communautaire disposait maintenant de l’élan nécessaire pour prendre de l’ampleur. Tras las huellas del venado, inspiré par l’éducation au développement durable (EDD), a été introduit dans le domaine de l’éducation non formelle en 2015. L’EDD vise à fournir aux apprenants de tous âges les connaissances, les compétences, les valeurs et les capacités nécessaires pour relever des défis mondiaux interconnectés tels que le changement climatique, la perte de biodiversité, les perturbations sous-marines, l’utilisation non durable des ressources et les inégalités.
Suivons ce moment de révolution où nous parlons depuis longtemps d’innovation, de changements, de la nécessité de différents prototypes, de la nécessité de porter un regard différent sur l’éducation et de la façon de parler aux enfants et aux familles afin que notre travail puisse être vraiment fructueux
Dépassant les limites de la salle de classe, le projet s’est transformé en une aventure visible et accessible pour tous ceux qui souhaitent participer aux efforts de conservation de la biodiversité. Depuis lors, les enfants et les adolescents proposent de nouvelles initiatives pour leur communauté, mènent des recherches, cartographient les problèmes socio-environnementaux et élaborent des plans pour y remédier.
Le projet s’est rapidement étendu à toute la communauté, avec des excursions et des sorties éducatives en Uruguay et à l’étranger dont le but est d’offrir des expériences pratiques grâce à divers paysages et biomes. Ces visites de terrain ont toujours été précédées d’une préparation minutieuse, selon une approche multidisciplinaire qui permet de les exploiter au mieux, avant et après le voyage.
Les groupes de visiteurs peuvent aller de trente à quatre-vingts personnes de tous âges, genres et origines – dont beaucoup n’ont jamais eu l’occasion de voyager à l’étranger – unies par un objectif commun : participer à des expériences précieuses en étant des témoins oculaires de la nature. Tras las huellas del venado a catalysé de riches échanges, tant sur le plan culturel qu’éducatif, dans de nombreux endroits tels que la Fondation Temaikén (Buenos Aires et Misiones, Argentine), Itaipú Binational (Brésil-Paraguay) et Bosque Santiago (Chili).
En outre, Tras las huellas del venado a fait la promotion de valeurs telles que le respect, la tolérance et la compréhension, suscitant des liens riches non seulement au niveau intergénérationnel, mais aussi avec des organisations sœurs. Depuis 2018, le groupe est devenu membre du programme d’action communautaire Roots & Shoots de l’Institut Jane Goodall.
Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé l’Uruguay, Tras las huellas del venado a transformé les défis en opportunités en invitant des éducateurs environnementaux d’Amérique latine et des Caraïbes à intervenir sur des plates-formes virtuelles et à organiser des ateliers hebdomadaires organisés par des villes et des pays hôtes différents. De nouvelles alliances ont rapidement prospéré avec des organisations d’Argentine, du Guatemala, de Porto Rico, du Mexique, de Colombie et du Chili. Les enfants ont commencé à acquérir et à améliorer leurs compétences en TIC, à élargir leurs compétences en communication et, surtout, à partager leurs expériences avec d’autres enfants ayant des intérêts et venant de milieux similaires.
En 2020, en plus de ces visites, Tras las huellas del venado s’est associé à des organisations, universités et écoles d’Amérique latine pour organiser des conférences en ligne afin de sensibiliser à la protection et à la préservation de l’environnement, ainsi que de fournir aux enfants et aux adolescents la possibilité de surveiller la faune en collaboration avec des scientifiques.
Compte tenu de l’immense contribution de Tras las huellas del venado à l’EDD et du potentiel de généralisation de ce projet, le Bureau régional de l’UNESCO pour l’Amérique latine et les Caraïbes (OREALC/UNESCO) a plaidé pour que le projet prenne une envergure mondiale. Ces efforts ont notamment consisté à inviter l’enseignante María Alicia à représenter l’organisation au lancement régional de l’EDD pour 2030, organiser une série de webinaires sur l’EDD et les jeunes en 2021, et présenter les pratiques inspirantes de Tras las huellas del venado lors d’un événement parallèle à la Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation au développement durable 2021.
Tras las huellas del venado est un mouvement collectif et participatif dirigé par des enfants et des adolescents qui, grâce au développement de leur autonomie, en sont venus à construire leurs propres processus en reconnaissant leurs forces et leurs défis, un processus métacognitif introduit par le jeu naturel, la découverte de leur environnement et la rencontre avec les autres. Grâce à ces nombreuses expériences collectives, les enfants ainsi dotés d’un pouvoir d’agir explorent, analysent, prennent des décisions et agissent en faveur du développement durable. Ils acquièrent des compétences de base telles que le travail d’équipe, la fluidité interculturelle et le leadership.
- Si une collaboration avec Tras las huellas del venado vous intéresse, contactez montevideo@unesco.org
- En savoir plus sur l’action de l’UNESCO dans le domaine de l’éducation au développement durable
