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Patrimoine culturel : 7 sites préservés avec succès par l’UNESCO

Comment protéger le patrimoine culturel ? De la sauvegarde de sites du patrimoine mondial à la reconnaissance du patrimoine immatériel en passant par le soutien à l’économie créative.
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Dernière mise à jour31 mai 2022

Le pouvoir de la préservation du patrimoine culturel au service de la création d’un monde meilleur

Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour préserver et encourager la culture ? La culture constitue une ressource nécessaire à l’identité et la cohésion des communautés. Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, il s’agit également d’un des instruments les plus puissants permettant la transformation des sociétés et le renouvellement des idées. Le rôle de l’UNESCO est de mettre à disposition les outils et les compétences indispensables pour pleinement profit de cette énergie renouvelable.

Les monuments historiques, le patrimoine vivant et les sites naturels enrichissent nos vies à bien des égards, que l’on en fasse l’expérience physiquement ou par le biais d’un appareil connecté. La diversité culturelle et la créativité sont des moteurs d’innovation naturels. Les créateurs et les artistes en tout genre contribuent à nous faire changer notre perspective du monde et repenser notre environnement de bien des façons. Il s’agit là de précieux atouts permettant de répondre aux défis mondiaux actuels, allant de la crise climatique à la pandémie de COVID-19.

Ces 75 dernières années, la notion de culture a considérablement évolué. Les actions de l’UNESCO au cours des dernières décennies témoignent des manières dont l’humanité s’est efforcée de comprendre comment la culture peut renforcer notre sentiment d’identité : de la prise de conscience de la nécessité de protéger le patrimoine de la destruction à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au lancement de campagnes internationales en faveur de la sauvegarde des sites du patrimoine mondial et du concept de patrimoine vivant et immatériel, en passant par l’attention portée à l’économie créative et au besoin de soutenir l’emploi et les moyens de subsistance liés à la culture. Notre rapport à cette dernière a profondément évolué au siècle dernier. Jeter un regard en arrière pourrait mieux nous préparer à affronter les changements à venir.

 Les États-Unis participeront à l’effort international qui a capté l’imaginaire et la compassion des peuples à travers le monde. En contribuant ainsi à la préservation des civilisations passées, nous renforcerons et enrichirons la nôtre. 

John Fitzgerald Kennedy35e président des États-Unis d’Amérique

Abou Simbel — Choisir entre les morts et les vivants

Quelques minutes avant le lever du soleil, des milliers de visiteurs prennent place à l’intérieur du temple d’Abou Simbel, en retenant leur souffle. Ils s’apprêtent à être témoins d’un phénomène rare qui a lieu deux fois par an depuis 3 000 ans. Chaque année, durant les mois de février et d’octobre à 6 h 29, la lumière du soleil levant pénètre la petite entrée. Les rayons s’enfoncent sur 70 mètres, dans l’immense salle aux immenses colonnes menant au sanctuaire intérieur, et illuminent la statue de l’homme à l’origine de la construction de ce temple au 13e siècle avant J.-C., le pharaon Ramsès II.

Taillé dans la roche d’une colline, ce grand temple a été conçu pour montrer la puissance du plus grand pharaon d’Égypte au peuple de Nubie, vivant sur le cours supérieur du Nil. Au fil des ans, ce temple et d’autres monuments moins imposants ont été recouverts de sable et sont tombés dans l’oubli durant des siècles avant d’être redécouverts en 1813. La suprématie du savoir de l’Égypte antique en matière d’astronomie et l’ingéniosité de ses architectes ont alors pu être admirées de nouveau.

Cependant, à peine un siècle plus tard, les vestiges de cette civilisation antique situés à l’extrême sud risquaient d’être détruits et oubliés, submergés par les eaux montantes du Nil en raison de la construction du haut barrage d’Assouan. La construction de ce dernier, qui avait pour but de développer l’agriculture ainsi que l’autonomie et l’économie du pays, a suscité une polémique internationale relayée dans les médias au travers de discussions et de unes de journaux : devrions-nous avoir à choisir entre les monuments du passé et une économie florissante au bénéfice de la population actuelle ? Pourquoi devrait-on se soucier des pierres et bâtisses anciennes alors que tant de gens ont besoin de nourriture et d’une aide d’urgence ?

À travers une campagne de préservation inédite visant à sauvegarder les temples égyptiens, l’UNESCO a démontré que l’humanité n’avait nullement besoin de sacrifier son passé pour s’épanouir au présent, bien au contraire. Les monuments d’une immense valeur universelle nous aident à comprendre qui nous sommes, et offrent également de grandes opportunités de développement. Deux mille ans après qu’un auteur et scientifique grec a dressé la célèbre liste des sept merveilles du monde, la notion même de patrimoine mondial est née.

La course contre le temps a débuté en 1964, lorsque des experts venus de 50 pays ont commencé à travailler ensemble sous la coordination de l’UNESCO sur l’un des plus grands défis d’ingénierie archéologique de l’histoire. Le monument entier a été découpé avec précaution en de larges quartiers, disloqués, déplacés et réassemblés sur un nouveau site, 65 mètres plus haut et à 200 mètres du fleuve, afin d’être préservé pour les générations futures.

Aujourd’hui, les quatre statues majestueuses gardant l’entrée du grand temple font face à la rivière et au soleil levant au quotidien, comme il y a 3 000 ans. La réussite de la coopération internationale pour la sauvegarde d’Abou Simbel a fait prendre conscience de l’existence de lieux d’une valeur universelle exceptionnelle dans le monde entier. À l’instar des temples de la vallée du Nil, ces derniers doivent être protégés de nombreuses menaces, telles que les conflits armés, la destruction délibérée, les pressions économiques, les catastrophes naturelles et le changement climatique.

La Convention du patrimoine mondial a été adoptée en 1972 comme l’instrument le plus important au monde permettant d’ancrer cette idée dans la réalité, rassemblant toutes les nations dans l’effort de préservation du patrimoine naturel et culturel mondial. Forte de ses 194 États membres signataires, cette convention est aujourd’hui l’une des plus ratifiées au monde.

Comment inscrit-on un site à la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ?

Pour qu’un site soit inscrit à la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, il doit avoir été nominé au préalable par les autorités du pays concerné. Cette nomination est examinée par des experts internationaux, chargés de décider si l’ajout est justifié. Enfin, le comité du patrimoine mondial, composé de 21 États membres de l’UNESCO élus, procède à un vote.

Venise – La sauvegarde du patrimoine culturel et le tourisme mondial peuvent-ils coexister ?

Lancée tout juste quelques années après la campagne de Nubie, la campagne de sauvegarde internationale de la ville de Venise constituait une réponse aux différents défis, dont la montée des eaux et l’explosion du tourisme mondial.

En sortant de la gare tôt un matin d’automne, les visiteurs sont accueillis par la rencontre de l’air frais et de la mer, donnant naissance à une couche douce et épaisse de brouillard au-dessus du Grand Canal, « rue principale » de Venise. Avec son immense dôme et ses fines colonnes néoclassiques, l’église San Simeone Piccolo et les bâtisses alentour semblent flotter sur les eaux du lagon. Telle est la vue qui s’offre à des millions de touristes venus du monde entier depuis l’âge d’or de la Sérénissime, l’époque où la ville régnait en tant qu’une des superpuissances économiques d’Europe.

Pourtant, cette beauté à couper le souffle, source d’inspiration de tant de peintres, d’écrivains et d’artistes au fil des siècles demeure fragile et susceptible de disparaître à tout jamais. Tout comme les temples d’Abou Simbel, la ville est menacée par la montée des eaux. Inexorable, l’augmentation du niveau de la mer est à l’origine d’inondations désormais fréquentes. L’humidité et les microorganismes rongent les pilotis en bois profondément ancrés dans les fonds vaseux du lagon par les premiers habitants afin de poser les premières fondations de Venise, il y a 1 600 ans.

Après 1966, année de la pire inondation de l’histoire de la ville, l’UNESCO et le gouvernement italien ont lancé une grande campagne afin de préserver la ville. Un projet ambitieux comprenant d’immenses écluses mobiles a été entrepris afin d’isoler temporairement le lagon des marées hautes et de protéger les zones les plus basses des inondations. Trente ans plus tard, le succès des prouesses techniques et de la coopération internationale fait l’unanimité.

Toutefois, Venise nécessite toujours une attention particulière, si bien que sa survie requiert une vigilance de tous les instants. La ville reste menacée de part et d’autre : tourisme de masse, dommages potentiels liés au développement urbain et le flux continu de bateaux de croisière gigantesques ébranlant ses fondations fragiles.

La mobilisation et la pression internationales au sujet du statut de Venise ont conduit le gouvernement italien à prendre la décision d’interdire l’accès au centre-ville aux grands bateaux en 2021, une étape indispensable afin de protéger l’intégrité environnementale, panoramique, artistique et culturelle de la ville. Cette décision est intervenue quelques jours après que l’UNESCO a annoncé son intention d’inscrire Venise à la Liste du patrimoine mondial en péril. Les paquebots sont désormais autorisés à accoster à Marghera, une zone industrielle à la périphérie de Venise, jusqu’à ce qu’un quai permanent dédié aux grandes croisières soit défini et aménagé. Une telle décision illustre la grande difficulté de protéger les villes historiques et les centres urbains appartenant au patrimoine culturel, ce qui dans le cas présent a nécessité une solution et des techniques sur-mesure, différentes de celles déployées lors de la sauvegarde des temples égyptiens légendaires.

 Si tous les musées du Nouveau Monde étaient vidés, que toutes les fameuses constructions de l’Ancien Monde étaient détruites et que Venise seule subsistait, elle suffirait à faire les délices d’une vie entière. Riche de toute sa diversité et sa complexité, Venise constitue elle-même la plus grande œuvre d’art au monde encore sur pied. 

Evelyn WaughRomancière anglaise, journaliste et rédactrice de voyage.

Fondée au Ve siècle et répartie sur 118 petites îles, Venise est devenue une grande puissance maritime au Xe siècle. La ville entière est un extraordinaire chef-d'œuvre architectural dans lequel même le plus petit bâtiment contient des œuvres de certains des plus grands artistes du monde tels que Giorgione, Titien, Tintoretto, Véronèse et d'autres.

Angkor — Illustration réussie d’une coopération internationale de longue date

Au cœur de la forêt cambodgienne, dans la province de Siem Reap, les cinq tours en forme de fleur de lotus du majestueux Angkor Vat se dressent vers le ciel. Lorsque l’on s’approche de la porte principale, l’immensité du temple et sa symétrie parfaite forcent l’admiration. Il s’agit du plus grand monument religieux au monde.

Angkor Vat a fait partie d’une ville tentaculaire aussi vaste que Londres, constituant le cœur d’un empire qui duré du 9e au 15e siècle, du sud du Vietnam au Laos et du Mékong à l’est du Myanmar. Environ 1 500 ans après J.-C., la capitale khmère a été abandonnée vraisemblablement à la suite d’importantes inondations et de longues sécheresses. Ses temples, ses bâtiments et son système d'irrigation complexe ont été engloutis par la forêt, restant enfouis jusqu’à leur redécouverte en 1860.

Au début des années 90, le site était en grand danger : de nombreux temples menaçaient de s’effondrer et plusieurs d’entre eux ont été pillés. Le travail de conservation à Angkor avait été rendu impossible par le début de la guerre civile, la montée du régime des Khmers rouges et les troubles civils qu’il a engendrés.

L’inscription d’Angkor Vat sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1992 a marqué une étape importante dans la reconstruction du pays après des années de conflit. L’objectif de la conservation des temples sous l’égide de l’UNESCO était d’accompagner la reconstruction et la réconciliation nationales. L’action du Comité International de Coordination (lien externe) (CIC-Angkor) pour la sauvegarde et le développement de ce site culturel exceptionnel illustre parfaitement la solidarité internationale et constitue l’un des succès les plus retentissants de l’UNESCO sur le front du patrimoine. Trente pays et un groupe d’experts sélectionnés pour l’occasion, affectés aux projets de science, de restauration et de conservation ont été réunis autour d’une approche novatrice alliant étroitement les opérations de conservation aux efforts de développement durable.

Ainsi, en 25 ans, Angkor s’est transformée en laboratoire vivant démontrant le potentiel du tourisme et de l’artisanat durables, en mobilisant les communautés locales autour de la cohésion sociale dans 112 villages. Aujourd’hui, ce site gigantesque fait vivre 700 000 habitants et attire quelque cinq millions de touristes dont l’afflux doit être géré chaque année. Les autorités du parc dirigent une série de projets destinés à améliorer la vie des populations à travers la mise en place d’un tourisme durable respectueux des sensibilités locales. Le retrait du site de la Liste du patrimoine en péril de l’UNESCO, tout juste quatorze en après son inscription, témoigne du mérite du peuple cambodgien.

Le succès d’un projet d’une telle envergure, dans un pays sortant d’un conflit de plus de vingt ans en 1992, démontre le potentiel de la Convention du patrimoine mondial et de la solidarité internationale portées par l’UNESCO.

 En marchant à travers le temple, j’ai découvert les traces des civilisations prospères qui l’ont bâti : des centaines de figures taillées dans les murs racontant les histoires de ces peuples anciens ; de vastes galeries dans lesquelles ils ont certainement prié ; de longs couloirs entourés de colonnes qu’ils ont dû parcourir.

Personne ne sait ce qui a conduit l’empire à abandonner ce temple et la ville alentour, mais au 15e siècle la quasi-totalité de la population s’en est allée. Des arbres ont poussé par-dessus les pierres. Seuls les moines bouddhistes sont restés pour prendre soin (et prier) à l’intérieur des temples cachés.

Pourtant cela n’a pas empêché les pèlerins et les visiteurs de voyager jusqu’ici pour s’imprégner de ces structures extraordinaires. Et aujourd’hui, des siècles plus tard, je suis infiniment reconnaissante d’être l’une d’entre eux. 

Michelle ObamaAncienne première dame des États-Unis d’Amérique

Mostar – L’importance des symboles par temps de guerre ou de paix

Nous sommes fin juillet en Bosnie-Herzégovine. Le pic de l’été rime avec afflux de touristes dans les ruelles pavées de Mostar. Cette ville médiévale accueillante, possède une longue et riche histoire marquée par la coexistence pacifique de trois communautés : les Bosniaques musulmans, les Serbes orthodoxes et les Croates catholiques. Fraîchement arrivés en ville, les touristes du monde entier se dirigent tout droit vers le monument le plus emblématique de Mostar, son vieux pont.

Connu localement sous le nom de Stari Most, ce chef-d’œuvre de l’architecture ottomane, est le symbole des différentes communautés qui cohabitent dans la région. Du 16e siècle à la guerre de Bosnie, le pont a rapproché ces communautés traversant le fleuve Neretva. Il incarnait l’unité qui régnait entre les Bosniaques (musulmans) à l’est de la ville, et les Croates et les Serbes à l’ouest. Le pont de Mostar (d’origine ottomane donc musulmane) servait de lien entre les communautés. En tant que passerelle, il n’avait aucune valeur militaire ou stratégique. Sa destruction en 1993 avait pour objectif de forcer la séparation entre les communautés afin de les empêcher de se mêler les unes aux autres. Le pont n’était plus que ruines, tout comme les valeurs de paix et d’entente qu’il avait incarnées pendant des siècles.

Cinq ans plus tard, l’UNESCO a coordonné le projet de reconstruction du vieux pont. Malgré les stigmates de la guerre, encore visibles aujourd’hui sur les murs de la ville, le pont reconstruit est devenu un symbole de réconciliation et d’apaisement post-conflit.

Aujourd’hui, la foule se presse dans la rue pour assister au traditionnel concours de plongée, dont le départ est donné sur le pont. Cette vieille tradition a repris lorsque Stari Most a retrouvé sa gloire d’antan. Chaque année au mois de juillet, des jeunes issus des trois communautés s’affrontent avec courage en plongeant dans le fleuve, 29 mètres plus bas, comme ils le faisaient avant la guerre.

Pendant plus de quatre ans après le cessez-le-feu, les anciens ennemis ont travaillé ensemble afin de récupérer les pierres tombées dans le lit de la rivière et reconstruire le symbole de leur amitié passée. Reconstruit en 2004 et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2006, Stari Most est aujourd’hui un pont entre un passé et un futur communs. Reconstruire un pont ne suffit certainement pas à restaurer la confiance et à rebâtir la paix au sein d’une société déchirée par la guerre. Cependant, il est assurément important de prendre soin des symboles de paix.

 Je travaillais dans mon bureau au son des tirs de mortier lorsque j’ai entendu les cris dans la rue, des cris faisant suite à la chute du pont. Ce qu’il s’est passé après ça a été si impressionnant que je ne l’oublierai jamais. Tout le monde est sorti voir. Malgré une pluie de grenades et de bombes, ils sont quand même sortis de leur cachette : les jeunes et les plus âgés, les faibles et les plus forts, les musulmans et les chrétiens, ils sont tous sortis, en larmes, parce que le pont faisait partie de leur identité. Il nous représentait tous. 

A. BubićDélégué à la Culture et au Sport, Mostar-Est, Bosnie-Herzégovine

Tombouctou – Quand les seigneurs de la guerre s’en prennent au patrimoine, les artisans de la paix ripostent en le renforçant

Située aux portes du désert du Sahara, Tombouctou évoque une ville mythique aux confins du monde, vers laquelle marchands arabes et africains se dirigeaient après un long périple, pour échanger du sel, de l’or, du bétail et des céréales. Dans la langue anglaise, la ville du nord du Mali a fini par devenir le synonyme d’un lieu très reculé. Envers et contre tout, des caravanes continuent de parcourir la route du désert et de s’y arrêter plusieurs fois par an. Comme leurs ancêtres l’ont fait pendant des siècles, elles apportent du sel gemme extrait du nord du Sahara.

À son apogée, au 16e siècle, la ville comptait plus de 100 000 habitants étant donné que ses mosquées et ses sites religieux jouaient un rôle essentiel dans l’expansion de l’Islam en Afrique. Elle est devenue un pôle important d’apprentissage sur le continent et ses bibliothèques, des banques dans lesquelles reposaient au moins 700 000 manuscrits historiques d’art, de science et de médecine, ainsi que des exemplaires du Coran. Ces manuscrits à la calligraphie soignée témoignent de la richesse de l’histoire et de la vie intellectuelle africaines.

Durant le conflit de 2012-2013, plus de 4 000 manuscrits sur les 40 000 conservés à l’Institut Ahmed Baba ont été perdus. Certains d’entre eux ont été brûlés ou volés tandis que plus de 10 000 autres demeurent en très mauvais état. Les habitants de Tombouctou ont contribué à la protection de leur précieux patrimoine en transportant clandestinement plus de 300 000 manuscrits vers la capitale, Bamako. D’autres écrits ont été mis à l’abri, entre des murs de boue ou enterrés. Bien qu’ils aient été protégés d’une destruction immédiate, ces manuscrits sont à l’heure actuelle préservés dans des conditions qui ne permettront peut-être pas leur sauvegarde pour les générations futures.

Afin de préserver le patrimoine culturel de Tombouctou et d’encourager la réconciliation, l’UNESCO soutient les communautés locales pour qu’elles participent à des projets de conservation d’anciens manuscrits et garantissent leur préservation pour l’humanité sur le long terme.

L’UNESCO coordonne les efforts de reconstruction des 14 mausolées inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, ainsi que des mosquées Djingareyber et Sidi Yaha, délibérément détruites par des groupes armés lors du conflit.

La reconstruction du patrimoine culturel dévasté de Tombouctou a pour but de promouvoir la réconciliation entre les communautés et de restaurer la confiance et la cohésion sociale. L’un des aspects importants du projet était la volonté d’inclure la reconstruction des mausolées dans une stratégie globale visant à redonner vie aux procédés de construction traditionnels et à garantir leur continuité au travers de formations de terrain et de projet de conservation.

Afin de s’assurer que les sanctuaires rebâtis soient aussi fidèles que possible aux anciens, les travaux de reconstruction ont été comparés à de vieilles photographies et les doyens locaux ont été consultés. Les ouvriers de la région ont eu recours à des procédés traditionnels et des matériaux locaux, incluant la pierre d’alhor, la tige de riz et le banco (un mélange d’argile et de paille).

La destruction des mausolées de Tombouctou a été un choc et un tournant, qui a révélé l’importance accordée à la culture et au patrimoine dans les conflits modernes alimentés par un extrémisme violent et des idéologies fondamentalistes. Elle montre à quel point les fondamentalistes étaient prêts à anéantir d’autres cultures islamiques, et toute autre vision différente de la leur. De même, des destructions directes du patrimoine islamique, préislamique, chrétien ou juif ont été observées en Iraq et en Syrie. La nécessité de restaurer le patrimoine n’est plus une simple question culturelle, il s’agit désormais d’une question de sécurité, constituant un élément clé pour la résilience et une meilleure cohésion des sociétés en proie aux conflits.

Aujourd’hui, les monuments de Tombouctou représentent un patrimoine vivant, étroitement lié aux rituels religieux et aux rassemblements communautaires. Leur allure et leur forme ont sans cesse évolué au fil du temps, au gré des cycles annuels (ceux de la pluie et de l’érosion du plâtrage) ; de l’entretien régulier (tous les trois à cinq ans) ; des réparations des anomalies structurelles, souvent en ajoutant des contreforts ; de travaux ponctuels plus importants, tels que des extensions et des rehaussements de toiture. Comment prendre tous ces éléments en considération tout en essayant de guider et d’aider la population locale dans sa capacité et sa résilience afin de conserver son patrimoine, comme elle le fait depuis plus de 600 ans ? Que faudrait-il faire et dans quelle mesure ? Qui doit être responsable de quoi ? Voilà des questions épineuses portant sur la préservation du patrimoine, allant bien au-delà de la simple inscription d’un site sur la célèbre Liste du patrimoine mondial.

 Le sel vient du nord, l’or du sud et l’argent du pays des Blancs mais la parole de Dieu, les choses célèbres, les histoires et contes de fées, ne se trouvent qu’à Tombouctou. 

Proverbe africain

Préserver l’identité culturelle et les traditions coréennes : lien d’un patrimoine vivant

Nous sommes fin novembre dans la campagne près de Jeonju, capitale de la province du Jeolla du Nord. Les températures se sont rafraîchies et l’hiver approche à grands pas.

Il est temps de se préparer pour la saison longue et glaciale. Il est temps de préparer le kimchi.

L’aliment de base de la République de Corée est un accompagnement composé de légumes salés et fermentés présents à tous les repas. Il ne s’agit pas uniquement du plat emblématique du pays : sa préparation (le kimjang) est un événement célébré par la communauté.

Les ménagères suivent attentivement les prévisions météo afin de définir les meilleures date et température pour préparer le kimchi. Des familles entières, des amis et des voisins se réunissent pour le préparer ensemble. Le processus est assez laborieux et requiert de nombreuses mains afin de s’occuper des quantités monstrueuses de légumes nécessaires pour tenir durant les mois d’hiver. Tous travaillent ensemble, échangent des astuces et nouent des liens plus forts à travers le kimjang. Les familles préparent le kimchi à tour de rôle afin de resserrer leurs liens.

Aujourd’hui, le village tout entier se réunira dans l’une des maisons pour l’occasion. Ensemble, ils laveront le chou chinois (pê-tsaie) mariné au sel la veille, et ajouteront l’assaisonnement qui donne au kimchi sa saveur aigre épicée unique. Le procédé exact et les ingrédients sont transmis de mère en fille afin de préserver la tradition du kimjang à travers les générations.

Depuis 2013, le kimjang figure sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme étant un aspect important de la culture coréenne, incarnant l’esprit d’équipe et de coopération du pays. Le kimjang constitue un bien culturel essentiel à une communauté, digne d’être préservé et célébré jusqu’à la fin de l’humanité. Bien qu’il existe probablement des variations régionales dans la préparation du kimchi, ce dernier transcende les classes, les régions, voire les frontières nationales.

Les pratiques culturelles précédent souvent l’instauration de frontières nationales et la naissance de conflits entre citoyens. Les pratiques culturelles communes peuvent même ouvrir la voie de la réconciliation.

Ces espoirs se sont matérialisés en 2018, lorsque la République populaire démocratique de Corée et la République de Corée ont décidé de travailler main dans la main afin de soumettre une candidature commune concernant l’inscription de la lutte traditionnelle sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

Le ssirum/ssireum (la lutte) est une activité physique et une forme populaire de divertissement très appréciée sur toute la péninsule coréenne. Dans le nord, chacun des deux adversaires tente mettre l’autre au sol à l’aide d’un satpa (une bretelle en tissu reliant la taille et les jambes), de son torse, de ses mains et de ses jambes. Le ssirum/ssireum se distingue par l’usage d’un satpa et l’attribution d’un taureau au vainqueur. Dans le sud, il s’agit d’un type de lutte dans lequel deux joueurs portant de longues ceintures en tissu autour de la taille et d’une cuisse agrippent la ceinture de leur adversaire et emploient diverses techniques pour le mettre à terre. Pour les adultes, le vainqueur du dernier match se voit remettre un bœuf, symbole de l’abondance agricole, et le titre de « jangsa ».

Cette activité sportive, à la portée de tous et dont le risque de blessure est faible, présente l’avantage d’améliorer la santé mentale et physique. Les Coréens sont très exposés aux traditions du ssirum/ssireum au sein du cercle familial et de la communauté : les enfants apprennent leurs techniques de lutte des membres de leur famille ; les communautés locales organisent des tournois annuels ouverts à tous ; cette discipline est également enseignée à l’école.

À la suite de la médiation de l’UNESCO, les deux États ont accepté que leurs dossiers respectifs soient examinés conjointement par le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en novembre 2018. L’UNESCO a été ravie de cette initiative de coopération régionale et a inscrit, lors d’une décision historique, la lutte traditionnelle coréenne (ssirum/ssireum) sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, inscription commune de la République populaire démocratique de Corée et de la République de Corée. Alors que les Listes de la Convention comptent plusieurs exemples de nominations multinationales, préparées par plusieurs États (du couscous [en anglais] à l’art de la fauconnerie en passant par le régime méditerranéen), la collaboration des deux États pour inscrire conjointement la lutte traditionnelle coréenne est inédite. Elle marque une étape importante sur le chemin vers la réconciliation intercoréenne. Il s’agit également d’une victoire illustrant les liens profonds et anciens qui unissent les deux Corées, et le rôle que la diplomatie culturelle peut jouer dans les relations internationales.

 C’était l’époque où les femmes se réunissaient pour commérer. Il y avait des relations arrangées. Certains mariages sont nés durant la préparation du kimchi. 

Sunhui ChangChef américano-coréen

Promouvoir la culture dans un monde post COVID 19

Les industries culturelle et créative font partie des secteurs d’activité les plus florissants au monde. Avec une valeur mondiale estimée à 4 300 milliards de dollars par an, le secteur de la culture représente aujourd’hui 6,1 % de l’économie mondiale. Ces deux secteurs génèrent des revenus annuels de 2 250 milliards de dollars et près de 30 millions d’emplois à travers le monde, occupés par plus de personnes âgées de 15 à 29 ans qu’aucun autre secteur. Les secteurs culturel et créatif sont devenus indispensables à la croissance économique inclusive, réduisant les inégalités et réalisant les objectifs fixés dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

L'adoption de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a marqué une étape importante en matière de politique culturelle internationale. À travers cet accord historique, la communauté internationale a formellement reconnu la double nature, culturelle et économique, des expressions culturelles contemporaines produites par les artistes et les professionnels du milieu. En définissant la structure et la mise en œuvre des politiques et mesures en faveur de la création, la production, la distribution et l’accès aux biens et services culturels, la Convention de 2005 est au cœur de l’économie créative.

En reconnaissant le droit souverain des États de maintenir, d’adopter et de mettre en œuvre des politiques visant à protéger et à promouvoir la diversité des expressions culturelles aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, la Convention de 2005 soutient les gouvernements et la société civile dans la recherche de solutions aux défis émergents.

Basée sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, la Convention de 2005 pose en définitive un nouveau cadre pour des systèmes de gouvernance de la culture informés, transparents et participatifs.

Repenser sans cesse la culture et le patrimoine

L’histoire de l’UNESCO témoigne de la transformation profonde du concept de culture au cours des dernières décennies. Partie des Conventions mondiales centrées sur les bâtiments et les pierres dans les années 60 et 70, la coopération internationale a ouvert la voie à de nouvelles perspectives de protection et de promotion de la culture, comprenant le patrimoine culturel immatériel, la diversité culturelle et l’économie créative. La définition du mot « culture » a été le fer de lance du comité dirigé par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez de Cuellar et la Conférence Mondiacult en 1982. En 2022, la Conférence mondiale Mondiacult devrait faire le bilan des progrès réalisés au cours des 40 dernières années sur le front des politiques culturelles et redessiner son avenir dans un monde post-COVID-19.

Jetez un œil à ces sites du patrimoine mondial

Le Qhapaq Ñan ou Chemin principal Andin

Ce réseau de chemins long de 30 000 kilomètres a été construit sous l’Empire inca à travers les montagnes, les vallées, les forêts tropicales et les déserts pour relier la capitale inca, Cuzco, aux zones reculées de l’empire, s’étendant de l’Amazonie aux Andes. L’envergure du Qhapaq Ñan en fait un chef-d’œuvre d’ingénierie, soulignant le génie civil des Incas.

Son inscription au patrimoine mondial en 2019 a ouvert la voie — empruntée chaque année par des milliers de visiteurs en route vers les sites archéologiques tels que le Machu Picchu au Pérou — à des financements indispensables à sa restauration.

Ensemble de Borobudur

Borobudur est le plus grand temple bouddhiste au monde et l’un des grands sites archéologiques d’Asie du Sud-Est. Datant des 8e et 9e siècles, ce temple bouddhiste imposant se situe au centre de Java. Il a été construit sur trois niveaux : une base pyramidale comportant cinq terrasses carrées concentriques, la base d’un cône comptant trois plateformes circulaires, et au sommet, un gigantesque stupa. Les murs et balustrades sont décorés de bas-reliefs finement sculptés, couvrant une surface totale de 2 500 m2. Autour des plateformes circulaires sont disposés 72 stupas ajourés contenant chacun une statue de Bouddha. Le monument a été restauré avec l’aide de l’UNESCO dans les années 70.

La vallée de Bamiyan, Afghanistan

Ce paysage culturel a été inscrit simultanément sur la Liste du patrimoine mondial et la Liste du patrimoine mondial en péril en 2003. Le site se trouve aujourd’hui dans un état de conservation précaire à la suite de sa désertion, de l’action militaire et d’explosions de charges de dynamite. Certaines zones sont inaccessibles en raison de la présence de mines antipersonnel.