Le service Bibliothèques et Technologies d’apprentissage (LLT) de l’Université américaine du Caire (AUC) a reçu le Prix UNESCO/Jikji Mémoire du monde 2022 pour les décennies de travail de préservation de la part de sa Bibliothèque des livres rares et des collections spéciales (RBSCL).
Fondée en 1919, l’AUC est devenue au fil des ans un centre de recherche majeur pour les pays arabes et africains, jouant un rôle clé dans la préservation du patrimoine documentaire égyptien et le rendant accessible aux chercheurs, aux étudiants et au public en Égypte et au-delà.
L’UNESCO a interviewé Mme Heba Sayed, Directrice de la planification, de l’évaluation et du développement commercial de l’Université américaine du Caire, pour en savoir plus sur le travail de l’institution et sur l’impact du Prix Jikji sur ses efforts futurs.
Bibliothèque des livres rares et des collections spéciales, Université américaine du Caire
Pouvez-vous nous dire ce que le fait de remporter le Prix UNESCO/Jikji Mémoire du monde signifie pour l’AUC ?
Le service LLT de l’AUC est très honoré de recevoir le Prix Jikji, qui reconnaît les décennies de travail effectuées par la RBSCL. Cette dernière se réjouit de figurer parmi les lauréats de ce prix bisannuel et continuera à travailler durement pour identifier, conserver, préserver et partager les documents et l’histoire de ceux qui ont contribué à changer le monde et qui sont souvent sous-représentés dans les documents historiques traditionnels.
La RBSCL de l’AUC s’est efforcée de collecter et de préserver les documents historiques de l’Égypte et de l’ensemble de la région. Elle a également soutenu des chercheurs et développé activement des programmes communautaires. Quelles ont été les difficultés rencontrées et de quoi êtes-vous le plus fier dans l’accomplissement de ce travail ?
L’effort de collecte et de préservation de la documentation de valeur culturelle et historique a constitué une aventure extraordinaire commencée par une poignée de professeurs, bibliothécaires et conservateurs qui ont créé ces collections pour améliorer l’enseignement et l’apprentissage, ainsi que pour donner à l’AUC une direction pour collecter le patrimoine documentaire de l’Égypte et au-delà. Ces efforts se sont développés pour devenir de solides exemples du rôle que jouent les bibliothèques, les universités et les établissements d’enseignement dans la préservation et le libre partage des preuves et du patrimoine documentaire en Égypte.
L’AUC, grâce à la réputation de la RBSCL, est considérée comme idéale pour abriter les dons importants de patrimoine documentaire. C’est une source de fierté et l’AUC poursuit ses efforts pour répondre à la confiance des donateurs et des chercheurs qui attendent un accès et des conditions à la pointe.
Une grande partie de ce travail se poursuit face à des défis permanents découlant de la préservation, de la conservation, de la numérisation, etc., tels que les changements et les exigences technologiques qui ne sont pas toujours accessibles.
Le travail sur le patrimoine documentaire à la RBSCL de l’AUC doit se développer pour inclure la mise en œuvre de nouveaux principes d’archivage numérique et de bonnes pratiques au fur et à mesure qu’il avance dans la collecte de documents numériques, notamment d’images. À cet effet, la RBSCL de l’AUC et le Centre de numérisation de l’AUC sont en train d’élaborer des stratégies et de mettre en œuvre les technologies les plus récentes afin d’établir les meilleures procédures possibles pour que l’AUC puisse prendre en charge des milliers d’éléments du patrimoine documentaire au format numérique, et les partager à l’échelle mondiale. Cela représente un investissement important en termes de ressources pour constituer et maintenir les collections culturelles existantes au format numérique, qui complètent ou s’ajoutent au travail de constitution et de diffusion de matériaux importants sur le plan culturel pour les générations actuelles et futures.
Selon vous, quel est l’élément le plus difficile pour les institutions de mémoire pour préserver le patrimoine documentaire et le rendre accessible aux individus ?
Nous sommes confrontés à de nombreux défis tels que la nature changeante des investissements nécessaires pour acquérir, conserver et rendre ces documents accessibles, l’augmentation du coût des dépenses en période d’inflation et de crise économique, ou encore la manière de mesurer et de justifier la durabilité de ces opérations. La nature changeante de la diffusion de ces documents nécessite également l’utilisation de plateformes et de passerelles numériques relativement nouvelles et coûteuses pendant la vague numérique du libre accès.
Au-delà des considérations pratiques d’ordre commercial, d’autres défis incluent la concurrence avec des institutions dotées de plus de moyens, aux budgets limités, ou la question et la nature de la propriété ainsi que les politiques impliquées dans l’acquisition et la préservation à long terme de matériaux qui peuvent être considérés comme des trésors nationaux. Il existe également des perceptions du patrimoine documentaire qui, bien qu’elles soient en dehors des paradigmes traditionnels, méritent leur place dans cette quête d’une plus grande compréhension dans le parcours de constitution de collections spéciales et culturelles.
Comment pensez-vous que le Prix Jikji aura un impact sur les activités futures de la bibliothèque ?
Le Prix Jikji mettra certainement l’AUC et sa RBSCL sous les feux des projecteurs et contribuera à mieux faire connaître ses nombreuses collections spéciales, ce qui attirera les universitaires, les chercheurs et le public vers ses impressionnantes ressources. Le prix permettra également d’offrir une formation avancée au personnel du laboratoire de conservation afin de le tenir au courant des dernières expertises et techniques avancées. En outre, le prix sera utilisé pour créer un programme de lancement d’une campagne de collecte de fonds qui permettra de soutenir les chercheurs invités, leur permettant ainsi d’accéder aux collections qui ne sont pas encore numérisées. Enfin, il y a un désir d’utiliser le prix pour mettre en œuvre les meilleures pratiques avec l’aide d’experts du domaine pouvant aider à façonner la construction et la préservation de ces collections patrimoniales pour les générations futures.
Existe-t-il des programmes d’amélioration de l’accès et de l’utilisation de vos collections ?
Les plans futurs comprennent, entre autres, ce qui a été mentionné précédemment, l’utilisation de ce prix mondial pour améliorer la reconnaissance dans le but d’attirer un soutien philanthropique afin d’aider à développer et à poursuivre le travail de la RBSCL de l’AUC, car elle nécessite un soutien supplémentaire en Égypte, dans la région et au-delà. Par exemple, plusieurs universités sont intéressées par l’accès à de nombreuses collections de films, de photographies, de documents islamiques, arabes et autres, telles que la collection Creswell. Elles recherchent un accès numérique, qui peut s’avérer coûteux car il nécessite des services de stockage sur le cloud très onéreux.
Le prix Jikji contribuera donc à trouver d’anciens élèves ou d’autres personnes de ces universités et institutions qui soutiendront le partage des ressources numériques et la création de bourses partagées à partir de ces projets d’accès. Le projet ambitieux consiste à installer un lieu d’exposition supplémentaire de la RBSCL, grâce à une conception et à une technologie de pointe, sur la place Tahrir de l’AUC, le campus du centre-ville du Caire, en raison de son statut de mémorial et de son accessibilité à tous les visiteurs et chercheurs extérieurs.
