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Histoire

Ruqaia, Égypte : « L'éducation des adultes a été mon billet pour la vie ».

Un choix limité

Ruqaia, 40 ans, vient d'une communauté rurale et tribale d'Égypte, où les filles sont censées se marier au début de l'adolescence et consacrer leur vie à élever des enfants. L'éducation n'est pas considérée comme « convenable » pour les femmes et les filles, qui n'ont que peu de maîtrise de leur vie en ce qui concerne le moment où elles se marient ou ont des enfants.

Aller à contre-courant

Ruqaia a constaté de nombreux problèmes dans sa société : mariages précoces, mortalité maternelle, pauvreté et manque de liberté d'expression pour les femmes. Elle considère que l'éducation des femmes et des filles est essentielle pour résoudre ces problèmes.

Tout ce qui me venait à l'esprit, c'était une mère analphabète élevant une fille analphabète qui finirait par devenir une mère analphabète. Le cercle vicieux se perpétuerait. 

Ruqaia Apprenante en Égypte

À la recherche d'un but

Avant d'entamer son éducation pour les adultes, Ruqaia souffrait d'une grave dépression. Elle ne savait pas quoi faire de sa vie, jusqu'au jour où elle a rencontré un animateur de cours qui lui a offert une possibilité d'apprentissage pour adultes. Elle a sauté sur l'occasion pour s'inscrire.

Poursuivre dans l'adversité

Cependant, la décision n'a pas été prise à la légère et Ruqaia a dû faire face à de nombreuses difficultés. Sa famille n'a pas soutenu sa décision de quitter la maison et de poursuivre ses études.  

À un moment donné, Ruqaia a entamé une grève de la faim pour convaincre sa famille du sérieux de sa volonté de poursuivre ses études.

C'était une période très difficile pour moi. Ma famille m'a dit qu’en choisissant l'éducation, je ne respectais pas les traditions et les coutumes de ma société. J'ai essayé de leur faire entendre raison en leur disant que je prendrais tout ce qui est bon dans mes traditions et mes coutumes et que je m’y conformerais, mais que je ne prendrais pas part aux choses qui sont négatives.

Ruqaia Apprenante en Egypte

La rencontre de deux mondes

Finalement, sa famille a accepté sa décision. Ruqaia a fait de son mieux pour les habituer à sa nouvelle réalité. Elle a toujours respecté les coutumes et les traditions de sa famille. Elle a impliqué sa famille dans le processus et n'a jamais essayé de lui cacher quoi que ce soit. S'ils comprenaient le parcours de Ruqaia, il y avait plus de chances qu'ils comprennent les avantages de ce qu'elle faisait.  



Le programme auquel Ruqaia a participé, géré par l'Association des femmes et de la société, était un programme d'alphabétisation et d'éducation sur quatre ans. Il comprenait différentes matières, dont la lecture, l'écriture, l'anglais, l'histoire et d'autres encore.



Le programme comportait également un volet sur les compétences nécessaires à la vie courante et les moyens de subsistance. Les femmes acquéraient des compétences qu'elles pouvaient transformer en opportunités économiques ou en moyens de subsistance, comme la fabrication de savon, la couture, la fabrication d'accessoires et le travail d'artisan. Ces compétences les aidaient à acquérir une indépendance financière, à progresser et à se développer aux niveaux personnels, sociétal, économique et national.

Exceller en classe

Le travail acharné de Ruqaia a porté ses fruits. Elle a été la seule élève de sa classe à terminer le programme d'éducation et à s'inscrire à l'université. Elle étudie aujourd'hui les médias et la communication à l'université du Caire. Elle gagne également sa vie. Son objectif est de devenir une porte-parole de la cause de l'éducation des femmes et des filles.  



L'éducation des adultes a ouvert de nouvelles perspectives à Ruqaia. Elle lui a permis de rencontrer des personnes d'horizons différents et de rendre service à sa communauté. Enfin, cela lui a donné le choix de prendre sa vie en main.



Malgré des relations tendues avec sa famille, Ruqaia ne regrette pas sa décision de poursuivre des études. Elle voulait un changement, une voie à suivre et elle voulait un but à atteindre. L'éducation était la clé pour y parvenir.

L'apprentissage et l’éducation des adultes m'ont permis d'accéder à la vie. Cela m'a permis de démarrer ma vie.

Ruqaia Apprenante en Egypte

Rendre à la société

En 2020, l'Association des femmes et de la société a décerné à Ruqaia un prix qu'elle a utilisé pour faire quelque chose de positif pour sa communauté. Elle a ouvert une crèche axée sur les jeunes filles. Elle a ainsi pu rendre service à sa communauté, qui a peu à peu commencé à reconnaître l'importance de l'éducation des filles. 

D'avocate à enseignant

Sahar, 49 ans, l'enseignante de Ruqaia, a eu une expérience similaire en matière d'éducation des adultes. Elle aussi était diplômée de l'Association des femmes et de la société, où elle était apprenante adulte. Elle s'est ensuite inscrite à l'université du Caire pour étudier le droit et est devenue avocate.  



Cependant, elle s'est vite aperçue qu'elle préférait l'enseignement au droit et a décidé de rejoindre l'Association des femmes et de la société en tant qu'éducatrice d'adultes. Elle est aujourd'hui la principale porte-parole de l'association et se rend dans les zones rurales d'Égypte pour sensibiliser le public à l'importance de l'éducation.

Être un éducateur d'adultes, ce n'est pas seulement enseigner à des apprenants adultes. C'est aussi apprendre des apprenants adultes. Nous partageons des moments ensemble, nous partageons des histoires ensemble. Parfois, nous parlons même de nos vies et de nos difficultés. Dans de nombreux cas, les apprenants ont vécu tellement de choses que leurs expériences de vie peuvent vous en apprendre beaucoup. Ce type d'interaction crée un lien qui a un impact sur vous et sur l'apprenant.

SaharÉducatrice d'adultes en Égypte

Plus que l'éducation

L'ambition de Sahar est de débarrasser sa société de l'analphabétisme.



L'un des moments dont elle est le plus fière en tant que formatrice d'adultes est celui où les apprenants apprennent à épeler leur nom. C'est un grand moment pour eux/elles, souvent chargé d'émotion. Elle partage également le point de vue de Ruqaia : lorsque les femmes apprennent à lire et à écrire, elles sont plus enclines à souhaiter la même chose pour leurs enfants.

Outre qu’elles ont une plus grande confiance en elles-mêmes et en leurs capacités, Sahar remarque que les femmes sont également plus heureuses. Le programme devient un espace sûr où les femmes peuvent aborder leurs problèmes personnels, se parler, partager leurs pensées et leurs préoccupations et obtenir des conseils de leurs pairs.



On constate également une différence au niveau de la communauté. Les femmes deviennent de meilleures citoyennes. Elles apprennent l'importance du recyclage, de l'assainissement de l'eau, de la préservation de l'eau et de l'électricité, de la santé publique et de leurs droits juridiques.

 

Tout ce que ces femmes apprennent est restitué à la communauté.

Contexte

L'évolution de l'apprentissage et de l'éducation des adultes en Égypte est présentée dans le cinquième Rapport mondial sur l'apprentissage et l'éducation des adultes (GRALE 5), lancé le 15 juin 2022 lors de la septième Conférence internationale sur l'éducation des adultes (CONFINTEA VII), à Marrakech.



Le GRALE 5 combine des données d'enquête, des analyses politiques et des études de cas pour fournir aux décideurs politiques, aux chercheurs et aux praticiens une image actualisée de la situation de l'apprentissage et de l'éducation des adultes dans les États membres de l'UNESCO.