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The Tracker Culture & Politiques publiques | Édition spéciale n°4 : MONDIACULT 2022 à l'horizon

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Culture et éducation: piliers du développement

La culture et l’éducation forment ensemble l'épine dorsale du développement humain. Elles constituent les bases d’un développement adapté aux contextes et aux contenus, et qui s’appuie sur les ressources culturelles et les contextes locaux spécifiques. La culture éclaire l’éducation et lui donne pertinence nécessaire à relever les défis et les opportunités propres à chaque contexte. La culture élargit le spectre de l’éducation et stimule l'appréciation de la diversité culturelle, tout en améliorant et en approfondissant les résultats de l’apprentissage. Dans ce cadre, l’UNESCO soutient des synergies entre la culture et l’éducation pour permettre aux enseignants et aux élèves de tirer le plein potentiel des opportunités offertes par un environnement toujours plus urbanisé et multiculturel. La culture et l’éducation nous relient au monde et aux autres, nous donnent à voir de nouvelles possibilités, construisent notre sentiment d’identité et d’appartenance, et renforcent nos capacités de dialogue et d’action. Pourtant, sur le plan institutionnel, ces deux faces d’une même pièce ont souvent été envisagés isolément : le contexte culturel des systèmes éducatifs n’est pas considéré comme pertinent, tandis que l’éducation culturelle et artistique est perçue comme un luxe, compte tenu des priorités concurrentes dans les budgets nationaux.

L’humanité et la planète étant confrontées à des défis croissants, la nécessité d’intégrer la culture et l’éducation de manière plus systémique a été mise en lumière ces dernières années. Le paysage historique actuel est caractérisé par l’accroissement des inégalités sociales et économiques, le changement climatique, la perte de biodiversité, le recul de la démocratie et les perturbations créées par la transformation technologique. La culture est de plus en plus mêlée aux conflits, au cours desquels le patrimoine culturel est souvent pris pour cible pour saper la diversité culturelle. Parallèlement, comme le souligne la publication historique de l’UNESCO parue en 2021, Les futurs de l’éducation, une crise mondiale de l’apprentissage signifie qu’il est urgent de réinventer l’éducation pour nous aider à relever nos défis communs par le biais d’un nouveau contrat social.

L’éducation culturelle et artistique est une réponse forte à l’appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies dans son document de vision 2021, Notre programme commun, pour une approche plus intégrée de nos défis interdépendants. La culture favorise les compétences et les attitudes qui mènent à l’innovation, permetant ainsi de générer de nouvelles idées, théories, supports et connaissances. L’éducation au patrimoine culturel est essentielle pour assurer sa préservation pour les générations futures, non seulement par le biais de l’appréciation de ces manifestations de notre passé et de notre présent, mais aussi à travers la transmission des compétences nécessaires à leur inscription dans le temps. L’innovation, à travers les industries culturelles et créatives, est un moteur essentiel de la croissance économique dans les sociétés de la connaissance. De plus, l’éducation à la culture et aux arts peut aider les élèves à développer les compétences en matière de créativité, de pensée critique et d’intelligence émotionnelle, qui sont nécessaires pour inculquer le sens de la responsabilité et stimuler l'implication active dans la société. Par ailleurs, le développement et l’accélération de l’économie créative impulsés par la transformation numérique galopante a renforcé l’impératif de mobilisation et d’élargissement des capacités des élèves et des éducateurs pour réviser les programmes et les pratiques éducatives traditionnelles, et adapter la formation et l’éducation techniques et professionnelles afin de favoriser les compétences liées à la culture et l’emploi.

Au fil du temps, les domaines de la culture et de l’éducation ont évolué et se sont adaptés, élargissant leur raison d’être. L’éducation est de plus en plus ancrée dans les conventions culturelles de l’UNESCO, car des modèles davantage centrés sur les personnes et fondés sur les droits humains ont supplanté les conceptions de la culture basées uniquement sur les monuments et les beaux-arts ; dans le même temps, la finalité donnée à l’éducation s’est étendue au-delà de l’acquisition des compétences de base, pour aboutir à une approche plus holistique qui tient compte des dimensions de la dignité humaine et du bien-être.

La culture nourrit profondément l’éducation et celle-ci est la garantie des apprentissages formels, non formels et informels dans la production créative de la culture : dans leur complémentarité mutuelle, les deux œuvrent à la construction de l’homme citoyen de la Terre et de sa civilisation inclusive et durable au profit de toute la biosphère.

Paolo OreficeChaire UNESCO sur le développement humain et la culture de la paix, Université de Florence.

En effet, c’est la capacité innée de la culture et de l’éducation à évoluer et à s’adapter, en particulier face à la volatilité du contexte mondial actuel, qui en fait des outils si vitaux. Lors des consultations régionales MONDIACULT 2022, la nécessité de mieux intégrer la culture et l’éducation dans les politiques publiques a été souligné comme une priorité majeure par les participants, avec la nécessité d’un dialogue plus approfondi pour tracer la voie à suivre.

Élargir les horizons de la finalité de l’éducation et de la culture

Dans de nombreuses sociétés à travers le monde, la culture et les arts ont longtemps fait partie intégrante du développement holistique et de l’éducation des personnes, à toutes les étapes de la vie. L'Homme a toujours communiqué et appris par la culture et les arts, car ceux-ci fournissent des façons différentes de représenter et de comprendre le monde, en approfondissant nos expériences par les traditions orales, la danse, la littérature, la musique et le théâtre. L’éducation est un vecteur de transmission de valeurs, de savoir-faire et de manières de voir le monde, enracinés dans le terreau fertile des différentes cultures. La rencontre entre la culture et l’éducation a parfois été difficile, soulevant des questions sensibles liées à l’identité, à la diversité culturelle et aux injustices historiques. Le patrimoine culturel, les expressions créatives et les droits culturels peuvent être liés à des dynamiques complexes de conflits identitaires liés aux rapports de pouvoir au sein d’une société donnée. Ce que les sociétés considèrent comme leur patrimoine et transmettent par l’éducation revêt une importance profondément symbolique.

Ces dernières décennies, la vision de la finalité des politiques culturelles et éducatives a été élargie par de nouvelles tendances et de nouveaux défis. Une évolution majeure de la notion de finalité de la culture découle de la Déclaration de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles — MONDIACULT 1982, qui précisait que « l’éducation et la culture, dont la signification et la portée se sont considérablement élargies, sont essentielles pour un authentique développement de l’individu et de la société. » La communauté internationale a approuvé une définition plus large et anthropologique de la culture comme « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances », comme plus tard inscrit dans la Déclaration de 2001 de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

Cet élargissement du champ de la culture a ouvert de nouvelles possibilités pour approfondir la connaissance et la compréhension de sa propre culture et de celle des autres grâce à l’apprentissage du patrimoine, déjà intégré aux Conventions culturelles de l’UNESCO qui existaient à l’époque. La Convention de 1972 sur le patrimoine mondial, par exemple, a renforcé ses capacités éducatives en mettant en place le Programme d’éducation au patrimoine mondial, afin d’impliquer les jeunes dans la découverte des sites du patrimoine mondial, de l’histoire et des traditions de leur propre culture et d’autres, de l’écologie et de l’importance de la protection de la biodiversité. Un nouvel accent a été mis sur l’éducation dans la culture, comme moyen de construire un sentiment de propriété afin de former une nouvelle génération de gardiens du passé. L’éducation au patrimoine, dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie, s’est avérée être un outil particulièrement puissant dans les situations post-conflit pour développer un sentiment d’identité partagé ou une compréhension mutuelle.

La dimension éducative a été intégrée à la conception de plusieurs conventions culturelles qui ont suivi, notamment en ce qui concerne le patrimoine vivant. Le processus créatif de transmission intergénérationnelle est au cœur de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI), et c’est une facette clé de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les connaissances traditionnelles de la terre et de l’environnement naturel, par exemple, constituent un profond réservoir de connaissances localisées sur les changements et la protection de l’environnement qui a été transmis au fil des générations par l’éducation informelle. Cependant, les systèmes éducatifs officiels peuvent contribuer à la perte des langues et des connaissances locales et autochtones, lorsque leur contenu est détaché de la réalité quotidienne des apprenants. Cela ne signifie pas que l’éducation formelle n’est pas extrêmement importante, mais plutôt qu’un meilleur équilibre est nécessaire. La Convention promeut des initiatives pour la sauvegarde de ce patrimoine vivant dans l’éducation formelle par le système scolaire, ainsi que dans les milieux éducatifs non formels. En effet, les modes et méthodes de transmission reconnus par les communautés peuvent être renforcés dans les programmes éducatifs. À cet égard, les établissements d’enseignement peuvent favoriser le respect du patrimoine culturel immatériel et offrir de nouveaux espaces pour assurer sa transmission aux générations futures.

Les deux dernières décennies ont été marquées par l’expansion significative de la contribution économique du secteur culturel, soulignant la nécessité de professionnaliser la main-d’œuvre par une offre éducative appropriée. Les industries culturelles et créatives ont contribué à hauteur de 389,1 milliards de dollars US en 2019 à l’économie mondiale (3,1 % du PIB mondial), ainsi qu’à près de 50 millions d’emplois (6,2 % du total des emplois), employant plus de jeunes âgés de 15 à 29 ans que tout autre secteur, comme le souligne le rapport de l’UNESCO Re|penser les politiques culturelles en faveur de la créativité de 2022. Par ailleurs, le tourisme culturel, qui représentait avant la pandémie 40 % de l’ensemble du tourisme selon l’Organisation mondiale du tourisme des Nations unies, contribue de manière significative aux économies de plusieurs pays, non seulement en créant des emplois dans le secteur culturel lui-même (comme ceux liés aux sites patrimoniaux, aux musées, aux galeries, aux lieux d’arts visuels ou de spectacle vivant) mais aussi en en promouvant d'autres, de type auxiliaire, dans les secteurs de l’hôtellerie et des transports. La Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles reconnaît non seulement le développement important des opportunités économiques offertes par le secteur créatif, en particulier pour les jeunes, mais aussi la protection de la diversité culturelle comme source de résilience sociétale.

Les approches de l’éducation ont également évolué, portant une vision plus large de l’apprentissage comme effort holistique et moteur de développement. Il y a eu une évolution progressive de l’éducation vers l’ouverture à de nouveaux défis et à une nouvelle réalité. Le « rapport Faure » a établi les deux notions interdépendantes de la société de l’apprentissage et de l’éducation tout au long de la vie, et plaide pour la nécessité de transmettre des connaissances organisées au-delà de l’école, dans d’autres aspects de la vie sociale tels que les institutions sociales et culturelles, l’environnement de travail et les médias. Le rapport de l’UNESCO de 1999 intitulé L'éducation : un trésor est caché dedans (le « rapport Delors ») expose ensuite une vision de « l’apprentissage tout au long de la vie » basée sur quatre piliers de l’apprentissage : savoir, faire, vivre ensemble et être. Le rapport Delors était étroitement aligné sur les principes moraux et intellectuels fondateurs de l’UNESCO, et offrait une analyse et des recommandations plus humanistes et moins instrumentales ou tournées vers le marché comme le faisaient les autres réformes éducatives proposées à l’époque. Le mouvement pour une éducation ouverte, mené au sein de la communauté éducative avec l’UNESCO, a préconisé que des ressources et des expériences éducatives de haute qualité soient accessibles à tous. En plus de s’attaquer aux obstacles tels que les coûts financiers élevés, les matériaux obsolètes ou dépassés, et les mécanismes juridiques qui empêchent la collaboration entre chercheurs et éducateurs, une expansion progressive du spectre traditionnel de l’éducation a également eu lieu, en termes de disciplines, de contenus et de pratiques pédagogiques, y compris la culture. Les technologies numériques ont facilité et amplifié ce mouvement.

Ces rapports marquants et le mouvement pour une éducation ouverte ont repoussé les frontières de la finalité de l’éducation, ouvrant de nouveaux horizons, à partir des années 2000. L’UNESCO a commencé à travailler sur des concepts tels que l’éducation au développement durable (EDD) — qui vise à apporter une transformation personnelle et sociétale face à la crise écologique planétaire — et l’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM) — qui vise à inculquer des compétences cognitives et comportementales permettant de faire des choix responsables pour des sociétés pacifiques et tolérantes. Ces deux concepts reposent fortement sur le contexte culturel dans lequel les comportements et les attitudes sont forgés, en s’appuyant sur les structures sociales, les systèmes de valeurs et les connaissances traditionnelles de la gestion écologique, car les stratégies précédentes, ayant négligé le contexte culturel local dans les approches centralisées de l’éducation « descendante », avaient eu un impact limité sur la compréhension interculturelle et la cohésion sociale.

À mesure que l’éducation devenait un élément plus intégral des politiques culturelles, et que les politiques éducatives étaient nettement plus sensibilisées au contexte culturel pour l’éducation holistique, l’UNESCO a cherché à rendre plus opérationnelle l’éducation culturelle et artistique. Il convient de rappeler que le rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement de l'UNESCO, publié en 1995, stipule que : « la poursuite d'un développement purement économique ignore le développement de soi, qui est au cœur de tout projet éducatif viable. L'éducation, en tant qu'action intégrée visant à transmettre des connaissances et des valeurs, à développer les compétences, à former et améliorer les personnes dans tous leurs aspects et tout au long de leur vie, ne peut être dissociée ni de la culture, dont l'éducation est par essence un moyen de diffusion et de renouvellement, ni du développement dont elle est un moteur majeur ». Au début du 21e siècle, l’Organisation a redoublé d’efforts pour intégrer la culture et l’éducation artistique dans les systèmes éducatifs formels et non formels. Deux conférences mondiales sur l’éducation artistique ont établi les concepts et l’action de l’UNESCO sur l’éducation artistique, tels qu’inscrits dans la Feuille de route de l’UNESCO sur l’éducation artistique adoptée à Lisbonne en 2006, et dans l’Agenda de Séoul : Objectifs pour le développement de l’éducation artistique, en 2010. Ces Conférences mondiales ont contribué à définir la portée et les objectifs de l’éducation artistique, à améliorer la qualité de l’éducation, à promouvoir la diversité des expressions culturelles et à préserver la contribution de l’éducation artistique à la promotion des droits humains et de la participation culturelle. La feuille de route de Lisbonne et l’Agenda de Séoul pour l’éducation artistique ont servi à orienter l’élaboration de politiques au niveau national, d’approches pédagogiques et de supports. Ils exposent les concepts d’apprentissage dans les arts et d’apprentissage par les arts.

Un nouvel élan pour renforcer les liens entre culture et éducation

Ces dernières années, les convergences entre la culture et l’éducation se sont renforcées, à mesure que les concepts lancés par l’UNESCO s’implantaient dans le programme de développement international. Le Programme des Nations Unies pour le développement durable à l’horizon 2030, adopté en 2015, intègre notamment fortement la notion de culture comme socle du développement, à la fois comme moteur (un moyen ou une ressource pour atteindre les objectifs de développement) et comme vecteur (en adaptant les stratégies de développement aux besoins locaux). En outre, l’approche de l’éducation, telle qu’elle est décrite dans l’Objectif de développement durable 4, s’est considérablement élargie par rapport aux programmes de développement internationaux précédents, reflétant des notions telles que l’apprentissage tout au long de la vie. L’EDD et l’ECM sont clairement définies dans l’objectif autonome 4.7, qui vise notamment à promouvoir une appréciation de la diversité culturelle et de la contribution de la culture au développement durable.

Objectif 4.7

Faire en sorte que tous les élèves acquièrent les connaissances et compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable, notamment par l’éducation en faveur du développement et des modes de vie durables, des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la promotion d’une culture de paix et de non-violence, de la citoyenneté mondiale et de l’appréciation de la diversité culturelle et la contribution de la culture au développement durable.

L’UNESCO, en tant qu’agence de l’ONU chargée de la culture et de l’éducation, a également renouvelé le dialogue et la réflexion sur ces domaines fondamentaux. Le Forum 2019 des ministres de la culture, qui a réuni quelque 130 ministres, a marqué un réinvestissement dans le dialogue interministériel sur les politiques culturelles. À cette occasion, les représentants de haut niveau ont identifié comme l’un des quatre thèmes du Forum la culture au cœur de l’éducation comme une dimension fondamentale pour le développement humain et l’innovation, et ont appelé à une plus grande réflexion et à plus de dialogue au niveau international. De plus, l’UNESCO a créé en 2019 la Commission internationale sur les futurs de l’éducation, dont le rapport final publié en 2021 affirmait qu’un nouveau contrat social doit être enraciné dans les droits humains et être fondé sur les principes de non-discrimination, de justice sociale, de respect de la vie, de la dignité humaine et de la diversité culturelle. Il doit aussi s’appuyer sur une éthique de la sollicitude, de la réciprocité et de la solidarité. Il doit enfin renforcer l’éducation comme projet public et un bien commun de l’humanité. »

L’UNESCO a intensifié son travail sur la rencontre entre la culture et l’éducation, notamment en s’assurant que la culture fournit un apprentissage adapté au contenu et au contexte. L’intégration du patrimoine dans l’éducation peut éclairer les approches éducatives qui sont pertinentes pour le contexte, améliorant ainsi les résultats de l’apprentissage tout en favorisant la diversité culturelle et le respect mutuel. Le patrimoine culturel a la capacité de générer un sentiment d’identité et de continuité, et il constitue donc une base solide pour comprendre le monde et l’apprentissage à travers les sujets au programme. Le patrimoine culturel immatériel est une ressource particulièrement riche pour l’apprentissage, car il est constamment recréé à travers un processus dynamique et interactif, et représente donc la principale source d’apprentissage par la culture, et pas seulement dans la culture. Le Centre d’échange d’information de l’UNESCO sur le patrimoine vivant et l’éducation, par exemple, est un outil en expansion, partageant des expériences de plans de cours à travers les programmes utilisant le patrimoine vivant, notamment des cours de physique qui intègrent la musique traditionnelle, des cours d’éducation physique qui utilisent les jeux traditionnels populaires, ou encore l’art ou les techniques d’impression traditionnelles dans les cours de mathématiques.

En outre, la culture élargit les possibilités d’une éducation socialement inclusive. Les initiatives éducatives locales ciblant les groupes marginalisés ont employé avec beaucoup de succès des pratiques artistiques pour un apprentissage socialement inclusif, car elles transcendent les barrières linguistiques ou les obstacles dus au statut socio-économique. Les réseaux des villes de l’UNESCO, tels que le Réseau des villes créatives (RVCU) et le Réseau mondial des villes apprenantes (GNLC), ont expérimenté des moyens de développer les compétences et de favoriser la création d’emplois en soutenant la formation professionnelle dans le secteur culturel, en ciblant notamment les populations vulnérables. Les villes apprenantes de l’UNESCO ont également impliqué des centres culturels locaux comme espaces d’apprentissage et de dialogue interculturel, et ont mis en place des programmes de bénévolat pour stimuler l’inclusion des populations vulnérables, telles que les personnes âgées et les personnes handicapées, dans des activités culturelles et des ateliers de formation.

Les moyens de subsistance peuvent notamment être renforcés en reliant les arts et le patrimoine aux milieux éducatifs non formels par le biais d’une formation technique et professionnelle (EFTP). Les compétences numériques des professionnels de la culture sont aujourd'hui très importantes pour la diffusion des biens et services culturels, cependant dans le monde entier, il y a des écarts non seulement en termes d'infrastructures mais aussi en termes de compétences. Les Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention de 2005 dans l’environnement numérique, approuvées en 2017, visent à corriger cette disparité. En réponse au manque de reconnaissance professionnelle des spécialistes du patrimoine, l’UNESCO a également développé un « Cadre de compétences pour la gestion du patrimoine culturel », afin d’aider les universités à concevoir des normes de qualification, des programmes de formation, et des programmes de gestion et de conservation du patrimoine culturel. Plusieurs initiatives menées par l’UNESCO, notamment dans le cadre des initiatives phares Faire revivre l’esprit de Mossoul en Irak, ont permis de former les jeunes aux techniques traditionnelles de construction, non seulement en contribuant à la préservation des sites du patrimoine culturel, mais aussi à un emploi décent et à un sentiment de fierté pour la communauté.

En outre, l’éducation aux arts et à la culture élargit les compétences, y compris la pensée créative et les compétences sociocognitives, qui sont de plus en plus recherchées dans l’ensemble de la population active. Le Bureau international de l’éducation de l’UNESCO a identifié un certain nombre de « compétences pour le 21e siècle » : les savoirs, les compétences et les attitudes dont les citoyens ont besoin pour pouvoir participer pleinement à la société de la connaissance et y contribuer. Elles comprennent la collaboration, la communication, la maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC) et les compétences sociales et/ou culturelles (y compris la citoyenneté), ainsi que la créativité, la pensée critique et la résolution de problèmes. Il s’agit notamment de souligner l’importance d’inclure la culture dans l’enseignement en matière de développement durable, et le rôle de l’éducation en matière de développement durable. La prolifération des contenus imprimés, diffusés et numériques signifie que les élèves ont besoin d’une résilience et de compétences renforcées pour reconnaître et contrer les discours de haine et la désinformation. Les jeunes étant de plus en plus confrontés aux discours de haine en ligne, il est impératif de mettre en œuvre des pédagogies éducatives et numériques qui construisent des compétences d’éducation aux médias et à l’information et de pensée critique, pour cultiver les capacités à reconnaître et à lutter contre la désinformation.

Les institutions culturelles sont particulièrement sollicitées pour renforcer les sociétés du savoir par une offre accrue de contenus éducatifs, au-delà de leur rôle traditionnel de référentiel du patrimoine collectif et de pôles de recherche académique. Une vision renouvelée des musées du XXIe siècle est exposée dans la Recommandation 2015 de l’UNESCO concernant la protection et la promotion des musées et des collections, leur diversité et leur rôle dans la société. Elle souligne que l’éducation est l’une des fonctions principales des musées, notamment à travers leur intégration dans l’éducation formelle et non formelle et l’apprentissage tout au long de la vie, pour la cohésion sociale et le développement durable. Par ailleurs, la Recommandation appelle les États membres à faire évoluer le rôle des institutions culturelles, en augmentant le nombre d’institutions qui étendent les activités éducatives au-delà des murs du musée, par exemple par l’engagement dans les espaces publics, les collaborations, et les partenariats. Grâce à l’adoption de cet instrument, les pays se sont engagés à faire en sorte que la culture et l’éducation contribuent directement à la promotion des droits humains, du développement et de la paix.

Plus récemment, l’UNESCO a entamé le processus d’élargissement des cadres existants sur l’éducation culturelle et artistique. Grâce à la convergence des évolutions dans les domaines des politiques culturelles et des politiques éducatives, ce nouveau domaine de travail intègre « culture » et « éducation artistique » ouvrant un espace pour une vision holistique intégrant les multiples formes de l’éducation culturelle et artistique, dans des contextes variés. Le premier programme intersectoriel de l’UNESCO traitant ensemble de la culture et de l’éducation, intitulé « Apprendre pour la diversité : Renforcer les synergies entre culture et éducation pour des sociétés inclusives, durables et résilientes » a été officiellement lancé en 2021. Le programme vise à soutenir les États membres en fournissant des conseils en matière de politiques publiques ainsi qu'un soutien technique sur la manière d’intégrer la culture aux politiques et aux programmes d’éducation, en vue d’améliorer leur qualité et leur pertinence, notamment en élargissant les perspectives, les approches et les pédagogies des élèves – tant dans l’éducation formelle que non formelle, y compris l’EFTP et l’apprentissage tout au long de la vie.

Ce nouveau programme s’appuie sur les concepts d’apprentissage dans les arts et par les arts, qui sont décrits dans la feuille de route de Lisbonne et l’agenda de Séoul. L’intégration de l’éducation culturelle reconnaît la nécessité de favoriser également une connaissance plus approfondie de sa propre culture et de celle des autres, en développant les compétences d’appréciation de la diversité culturelle et le dialogue interculturel, qui sont indispensables pour vivre dans des sociétés démocratiques stables, dans le plein respect des libertés fondamentales. En outre, l’éducation culturelle et artistique cultive la créativité et l’apprentissage socioémotionnel, permettant aux élèves d’acquérir les connaissances et les attitudes nécessaires pour respecter la planète et les autres citoyens. Parallèlement, l’UNESCO met à jour la Recommandation de 1974 sur l’éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationales, et l’éducation relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales — un instrument juridique historique qui formule des principes et des normes pour la réglementation internationale de l’éducation en faveur de l’avancement de la justice, de la liberté, des droits humains et de la paix — afin de refléter le nouveau contexte de transformation numérique, de pressions écologiques et d’inclusion sociale dans des sociétés de plus en plus diverses. Le programme « Apprendre pour la diversité » se concentre non seulement sur le système scolaire pour l’apprentissage tout au long de la vie, en accentuant également le rôle des musées comme espace de dialogue et d’échange, en renforçant les capacités du personnel militaire en matière de protection de la culture en période de conflit armé, et en créant des opportunités de bénévolat éducatif, en collaboration avec les organisations de la société civile.

PERSPECTIVE : Les musées, une « agora » pour les citoyens du monde

Par Helen Charman,

Directrice de l'apprentissage, Programmes nationaux, au Victoria and Albert Museum, Royaume-Uni.

 

Les musées sont des institutions complexes aux multiples facettes : ils sont aussi bien des centres communautaires que des lieux de loisirs, de divertissement, d’éducation et de commerce. Les musées publics ont, dès leurs débuts, joué un rôle central dans la formation et le développement de la société. En cela, l’éducation a été et reste un objectif clé. Faire participer les publics aux collections des musées - la culture matérielle de l'histoire - de manière significative, pertinente et inspirante, c'est la mission quotidienne des musées, parallèlement à un devoir d'attention envers les objets, qu'ils soient extraordinaires ou ordinaires. Dans notre monde global et connecté, les objets peuvent ouvrir de nouvelles perspectives sur la société et nous rapprocher d’histoires et de cultures que nous ne pourrions rencontrer autrement. L’interprétation muséale enrichit le contexte des objets et nous permet d’approfondir notre compréhension.

Prenons quelques exemples du Victoria and Albert Museum de Londres, au Royaume-Uni, où je dirige les équipes d'apprentissage. Lorsque le musée a fermé pour cause de confinement, notre exposition publique majeure était « Inside the Kimono : from Kyoto to Catwalk », une exposition de mode présentant des siècles d'échanges culturels et d'influence, de créativité et d'imagination à travers les plis de plus de 300 superbes vêtements. Lorsque nous avons rouvert, c’était avec « Epic Iran », une exposition explorant 5 000 ans d’art, de design et de culture et mettant en lumière l’une des plus grandes civilisations du monde et son évolution au cœur du 21e siècle, ainsi que ses réalisations artistiques monumentales. Et à l’heure actuelle, à l’été 2022, l’exposition « Africa Fashion » vient de s’ouvrir, s’étendant du milieu du 20e siècle jusqu’aux créateurs contemporains à travers la photographie, le textile, la musique et les arts visuels, explorant la vitalité et l’impact global d’une scène de mode aussi dynamique et variée que le continent lui-même. Ces trois expositions mettent en valeur la créativité des trois continents sous le toit d’un seul et même musée. C'est la nature globale du musée qui attire des visiteurs locaux et du monde entier, créant un espace de lien et d'expérience partagée par des rencontres avec des objets.

Mais si les musées se construisent surtout autour d’objets, ils sont toutefois d’abord destinés aux gens. Les musées cherchent de plus en plus à être accessibles à tous, tant par la culture matérielle exposée que par des activités conçues pour répondre aux intérêts et aux besoins des publics les plus larges. Les programmes axés sur l'équité de l'accès par la diversité et l'inclusion sont à l'honneur, obligeant les musées à repenser ce qu'ils exposent, la manière dont ils le font et la raison pour laquelle ils exposent certains objets, ainsi que la manière d’élargir le public autant que possible. Un terme qui devient de plus en plus courant est celui du musée comme « agora » : un lieu de rassemblement, de discussion, de débat, un forum culturel pour les visiteurs en tant que citoyens du monde, un lieu qui active un sentiment d'appartenance globale et de pouvoir, qui permet aux visiteurs de se voir reflétés à travers les présentations et les narratifs d'exposition. Lieux d’inspiration et d’émerveillement, où le caractère non formel de l’apprentissage libère l’activité pédagogique pour compléter et étendre les cursus, pour enrichir, élargir, voire parfois critiquer.

Indication des orientations futures

Lors des consultations régionales en amont de MONDIACULT 2022, le lien entre culture et éducation a été une préoccupation majeure des États membres, qui ont souligné trois questions clés comme nécessitant une réflexion plus approfondie, une orientation plus claire et un dialogue international renforcé :

  • Le patrimoine culturel immatériel pour l’identité culturelle, l’apprentissage adapté au contenu et au contexte, et la transmission des savoirs traditionnels
  • La formation pour les ICC (EFTP et Études supérieures, y compris les compétences nécessaires en numérique/marketing, etc.)
  • L’éducation culturelle et artistique pour la citoyenneté mondiale et le développement durable.

  1. Le patrimoine culturel, en particulier immatériel, pour l’identité culturelle, l’apprentissage adapté au contenu et au contexte, et la transmission des savoirs traditionnels

 

L’amélioration de nos connaissances culturelles à travers nos écoles, nos maisons et diverses autres institutions est d’une importance capitale. Nous devons donc accroître notre participation aux activités culturelles, apprécier l’importance de connaître nos différentes formes d’art, leurs utilisations et leurs significations ; la valeur de connaître notre histoire et de préserver nos lieux historiques, car ils servent à renforcer notre lien avec la terre et la spiritualité de notre culture.

M. Anthony Turua Secrétaire, ministère du Développement culturel, Îles Cook.

Le patrimoine culturel immatériel est de plus en plus considéré par les États membres comme une source importante d’identité, de cohésion sociale, de connaissances et de savoir-faire, mais celui-ci peut s'avérer particulièrement fragile, car dépendant d'une transmission intergénérationnelle renforcée pour survivre et évoluer en tant que ressource dynamique de résilience. Cette transmission incombe généralement à l’éducation informelle au sein de la communauté, et parfois de milieux spécialisés non formels, mais la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel nécessite de plus en plus de stratégies renforcées face à de multiples menaces, comme l’ont souligné plusieurs participants lors des consultations régionales. Inversement, le patrimoine culturel immatériel offre également un cadre de référence familier que les étudiants peuvent retrouver dans l’ensemble des programmes, apportant une pertinence par rapport contexte et une amélioration des résultats d’apprentissage.

Pour les participants de certaines régions, donner la priorité au patrimoine culturel immatériel est un point d’entrée clé pour accéder au passé et construire un sentiment d’identité et de cohésion sociale. L’intégration du patrimoine vivant aux systèmes scolaires est une voie de développement, dans un contexte où les pays tentent d’exploiter leurs ressources culturelles. Certains participants ont identifié la transmission intergénérationnelle des connaissances et de la sagesse comme une priorité, afin de libérer le potentiel des connaissances traditionnelles, en particulier celles liées à la santé et à l’environnement, afin de concevoir des politiques solides dans tout le spectre de l’action publique. La création d’emplois décents grâce au patrimoine culturel immatériel a également été identifiée. Pour certains pays, c’est dans le contexte du savoir-faire traditionnel pour la préservation du patrimoine bâti, tandis que d’autres ont souligné l’importance de la promotion de l’artisanat traditionnel pour le développement économique. Plusieurs pays ont souligné le développement de stratégies de tourisme culturel durable, y compris le patrimoine vivant comme les arts de la scène, et la garantie que l’élargissement de ces compétences soit intégré au système éducatif, y compris sous la forme de l’EFTP.

Le fait d’offrir une éducation dans la langue maternelle des élèves constitue un autre aspect majeur de la garantie d’un apprentissage pertinent en termes de contenu. On estime que 40 % de la population mondiale n’a pas accès à une éducation dans une langue qu’elle parle ou comprend, ce qui entrave considérablement les efforts visant à fournir une éducation de qualité à tous. L’intégration de différentes langues, ainsi que de différents systèmes de connaissances, dans les systèmes éducatifs a été identifiée par plusieurs participants comme une voie clé pour garantir les droits culturels et le droit à l’éducation.

La langue joue un rôle essentiel dans l’éducation et l’apprentissage, la promotion des systèmes de valeur, la transmission du patrimoine et de l’histoire d’une nation, l’unité nationale, le commerce et le développement d’un pays. La promotion et la préservation de nos langues sont importantes pour notre existence même, car c’est par le langage que les êtres humains partagent des idées, planifient, se comprennent et s’apprécient.

S.E. Tumiso Rakgare, ministre de l’Autonomisation de la jeunesse, du Développement des Sports et de la Culture, Botswana.

            2. Éducation pour le secteur culturel (EFTP et Études supérieures, y compris les compétences nécessaires en numérique/marketing, etc.)

Au cours du processus de consultation, de nombreux États membres ont exprimé leurs préoccupations concernant les adaptations nécessaires dans le système éducatif, en particulier en termes de formation et d’enseignement techniques et professionnels, ainsi que dans l’enseignement supérieur. Plusieurs ont fait écho aux préoccupations du rapport publié récemment par l’UNESCO Re|penser les politiques en faveur de la créativité, qui soulignait que, bien qu’il existe un nombre relativement élevé de programmes d’éducation et de formation à la culture et à la créativité, de fortes disparités subsistent entre les régions et dans les domaines culturels couverts. L’offre reste notamment faible pour répondre à la demande de compétences numériques et de gestion culturelle. Pourtant, la pandémie de COVID-19 a accéléré la transformation et la numérisation de l’économie. Elle a été l’occasion pour le secteur de l’EFTP d’innover et de renforcer son attractivité — de la formation virtuelle expérientielle aux placements à distance avec les employeurs. Ces expériences ont construit des ponts au sein des pays et entre eux, tout en augmentant l’inclusion de l’offre et de l’expérience de travail. En conséquence, les pays se tournent de plus en plus vers des expériences internationales pour inspirer et éclairer les réformes nationales dans les systèmes d’éducation et de compétences.

Certains États membres ont également signalé que leur patrimoine culturel immatériel, en particulier artisanal, constitue une source d’inspiration pour la créativité, et que la transmission de ces connaissances et savoir-faire devrait être renforcée. Cependant, des craintes ont été exprimées quant au fait que ces pratiques du patrimoine vivant puissent être exploitées commercialement sans le consentement préalable et éclairé des communautés qui en sont les détentrices, ce qui soulève des questions sur la relation entre l’éducation et les cadres de propriété intellectuelle existants.

Nous devons soutenir le principe selon lequel le combat des minorités culturelles va au-delà du droit de leurs membres à l'égalité et à la participation. Elles aspirent à la survie même de leur groupe, qui est intimement liée à la protection de leurs attributs culturels distincts, de leur langue, de leur patrimoine et de leurs coutumes.

S.E. Alpidio Alonso Grau,Ministre de la Culture, Cuba.

Nous souhaitons concevoir un cadre pour les industries créatives philippines qui soit beaucoup plus sensible sur le plan culturel, et reflète les systèmes de connaissances traditionnels des PI/CCI et en respectant leurs droits intellectuels en tant que communauté ; beaucoup plus inclusif en prenant en compte et en incluant les points de vue des personnes du terrain ; et beaucoup plus éducatif, en couvrant à la fois les modes d’apprentissage formels et non formels.

Déclaration écrite,Agence nationale : Commission nationale pour la culture et les arts, Philippines.

       3. L’éducation culturelle et artistique pour la citoyenneté mondiale et le développement durable

Les participants ont largement reconnu que l’éducation à la culture et aux arts aide les élèves à développer les compétences en matière de créativité, de pensée critique et d’intelligence émotionnelle, qui sont nécessaires pour devenir des membres responsables et impliqués dans leurs sociétés. Dans les sociétés de plus en plus interconnectées et multiculturelles d’aujourd’hui, l’intolérance et les menaces à la liberté d’expression se multiplient, remettant en cause la paix et les droits humains. Certains pays ont déjà introduit des activités culturelles et artistiques dans le programme d’apprentissage global pour la jeunesse, à l’intérieur comme à l’extérieur des établissements scolaires, en raison du mouvement mondial vers une plus grande reconnaissance de la diversité culturelle.

Plusieurs États membres ont exprimé leur désir d’approfondir le dialogue international sur les stratégies d’éducation à la culture et aux arts pour partager leurs expériences. Les approches de l’éducation à la culture et aux arts dans les programmes scolaires sont essentielles à l’apprentissage dans les arts, ainsi que par les arts, pour des résultats d’apprentissage améliorés, une éducation plus globale de l’individu et un plus grand sens de la responsabilité civique. En outre, il y a également un intérêt à faire progresser les stratégies d’éducation culturelle et artistique dans des contextes non formels — musées, galeries et sites patrimoniaux en particulier — afin d’exploiter pleinement le rôle des institutions culturelles comme « espaces de transmission culturelle, de dialogue interculturel, d’apprentissage, de discussion et de formation », qui jouent également un rôle important dans l’éducation (formelle, informelle et apprentissage tout au long de la vie), la cohésion sociale et le développement durable, conformément à la Recommandation de 2015 de l’UNESCO.

 

L’éducation artistique et culturelle peut être une clé d’intégration et de participation à la société. Elle contribue aux compétences créatives, réflexives et communicatives, et est donc un moteur de transformation. Elle est particulièrement pertinente pour les jeunes, les universitaires et les politiques culturelles. Il est nécessaire d’améliorer la réflexion critique sur les questions de diversité, de participation et de transculturalité dans l’éducation artistique et culturelle.

S.E. Ambassadeur Peter Reuss,Délégué permanent de l’Allemagne auprès de l’UNESCO

Le patrimoine culturel joue un rôle majeur dans la construction de l’avenir de la jeunesse dans le monde arabe, en particulier dans le processus de développement durable, en investissant le patrimoine culturel comme pilier dans le contexte d’un système intégré d’éducation, de formation et de développement, qui aide à sensibiliser les générations aux valeurs culturelles de la société à laquelle elles appartiennent.

Dr Hani Hayajneh,Expert du patrimoine culturel au ministère de la Culture, Jordanie.

PERSPECTIVE : Politique culturelle et patrimoine culturel immatériel

Maria Gulraize Khan

Cofondatrice et directrice de la planification stratégique du Cultural Advocacy Lab, Pakistan.

 

L’intégration du patrimoine vivant dans l’éducation génère d’énormes dividendes à la fois pour sa propre préservation et pour l’incitation à la réorientation et à la rehiérarchisation des cadres qui définissent une « éducation de qualité ». Les recherches de l’UNESCO ont montré que les enfants profitent de meilleurs résultats d’apprentissage lorsque l’éducation dans la petite enfance est dispensée dans leur langue maternelle. Le vocabulaire des langues locales diffuse l’éthos culturel d’une communauté et façonne ses visions du monde. Les programmes pilotes menés par l’UNESCO ont prouvé que l’utilisation d’éléments du patrimoine vivant dans les salles de classe comme outil pédagogique a non seulement contribué à accroître l’engagement des élèves, mais a également permis aux enseignants d’être plus proactifs dans la conception de plans de cours interdisciplinaires, qui sont plus pertinents pour les élèves et répondent aux différents styles d’apprentissage. L’alphabétisation culturelle renforce les identités régionales en augmentant la conscience de soi des élèves, leur rôle et leurs responsabilités envers leurs communautés respectives, ainsi que leur lien spirituel avec la nature et l’univers. Le processus de transformation peut aider à décoloniser et à indigéniser le discours, à rassembler différentes communautés et à promouvoir le pluralisme culturel.

Il est nécessaire de reconnaître différents systèmes de connaissances autochtones et d’établir des liens avec l’éducation formelle, l’éducation non formelle et l’EFTP pour rendre l’éducation plus accessible en termes de sensibilisation et de pertinence. Les détenteurs des traditions du patrimoine vivant doivent être respectés et reconnus comme éducateurs dans les écoles et les universités. Le patrimoine vivant est au cœur des Industries Culturelles et Créatives (ICC), le plus souvent comme source d’inspiration pour la création de contenus et de logiciels qui orientent le développement technologique. Les universités proposant des programmes liés aux ICC doivent être plus inclusives et liées aux communautés locales, en particulier aux groupes marginalisés. Les institutions culturelles publiques et privées, les conseils artistiques et les musées présentent des représentations tangibles du patrimoine vivant, et peuvent présenter efficacement des récits multiculturels grâce à des programmes éducatifs bien dotés conçus par des spécialistes.

D’un point de vue plus large, l’éducation et le patrimoine vivant peuvent contribuer directement aux Objectifs de développement durable (ODD) pour combler les écarts d’un développement déséquilibré. Un autre point commun entre les deux secteurs est que les investissements qui y sont réalisés ne donnent pas immédiatement de résultats tangibles, de sorte qu’ils sont rarement prioritaires, en particulier pour les allocations budgétaires. Au cours de la dernière décennie, l’UNESCO a été un grand promoteur et un grand défenseur de l’inclusion du patrimoine vivant dans l’éducation. Plusieurs pays et régions, comme l’Amérique latine, ont déjà des liens forts entre la culture et l’éducation et il y a beaucoup à apprendre de leur exemple. Ce qui est maintenant nécessaire pour intégrer et étendre cette approche au bénéfice de tous, c’est la volonté politique et le soutien des décideurs pour faire avancer cette initiative.

 

Le monde change, nos approches le devraient aussi

En tant que communauté mondiale, nous sommes entrés dans une nouvelle phase historique caractérisée par l’interconnectivité et l’interdépendance des sociétés et par de nouveaux niveaux de complexité, d’incertitude et de tensions. Cela nécessite de repenser radicalement les stratégies passées pour aborder un avenir incertain, et le rôle de la culture et de l’éducation est en train d’être réimaginé. La vision de la Constitution de l’UNESCO selon laquelle « la large diffusion de la culture et l’éducation de l’humanité pour la justice, la liberté et la paix sont indispensables à la dignité de l’homme » est aussi pertinente aujourd’hui qu’en 1945. Pendant plus de quatre décennies, les développements parallèles — mais liés — des politiques culturelles et des politiques éducatives ont renforcé les synergies de finalité et de pratiques entre les deux secteurs, qui méritent désormais une réflexion plus approfondie en vue de créer de nouveaux cadres pour les générations futures. L’éducation culturelle et artistique ne doit plus être considérée comme un luxe mais comme le fondement de systèmes éducatifs de qualité, inclusifs et équitables, garantissant le droit d’accéder à la culture et, ce faisant, de construire un avenir plus durable.

Les politiques qui renforcent les liens intrinsèques entre la culture et l’éducation, en tant que fondement de sociétés résilientes, sont de plus en plus adoptées — même si elles ne sont pas pleinement mises en œuvre — comme une stratégie pour avancer sur des bases plus stables vers notre avenir incertain. En premier lieu, la culture fournit une éducation adaptée au contenu et au contexte, adaptée à l’environnement, aux valeurs et aux besoins de l’élève dans sa communauté. Cela fait écho aux engagements en matière de droits humains, pour fournir à la fois une éducation de qualité et un accès à la culture. En outre, un large éventail de systèmes de connaissances, basés sur les connaissances locales, traditionnelles et autochtones, est de plus en plus reconnu comme jouant un rôle essentiel dans la construction du développement durable sur le plan social et environnemental : des approches solides en matière d’éducation sont le lien essentiel pour transmettre ces connaissances. D’un point de vue économique, le secteur culturel et créatif est reconnu comme un secteur clé, offrant notamment des opportunités d’emploi décentes à la population de jeunes en plein essor dans le monde. Pourtant, il reste une inadéquation persistante des compétences adaptées aux exigences de ce secteur, qui freine les progrès dans certains pays. Ici encore, l’éducation est le pont, en particulier à travers l’EFTP, ainsi que l’enseignement supérieur. Plus largement, la créativité et l’innovation sont de plus en plus recherchées dans le monde du travail au 21ème siècle. Enfin, l’éducation culturelle et artistique est un puissant vecteur de compréhension mutuelle, d’appréciation de la nature et de dialogue renforcé.

Au sein du système des Nations Unies, l’UNESCO remplit son rôle d’agence spécialisée pour la culture (du patrimoine aux arts et à la créativité) et l’éducation (de l’éducation formelle et non formelle à l’EFTP et à l’apprentissage tout au long de la vie) en faisant progresser la coopération internationale et en aidant ses 193 États membres à mettre en œuvre des mesures politiques dans ces domaines, mesures fermement ancrées dans la promotion des droits de l’homme et du développement durable. Ceci, en plus de son rôle de laboratoire international d’idées et de plateforme de dialogue, signifie que l’UNESCO peut impliquer un large éventail de partenaires pour aborder les questions transversales auxquelles sont confrontés ses États membres, et contribue à construire la paix par le renforcement des capacités, des conseils politiques, le partage des connaissances et des outils opérationnels. Tandis qu’un certain nombre de processus sont déjà en cours, renforçant le rôle de l’éducation culturelle et artistique, ainsi que le rôle de l’éducation dans la sécurisation des progrès dans les droits humains, MONDIACULT 2022 est une excellente occasion d’élargir la réflexion et d’approfondir le dialogue sur le lien crucial entre culture et éducation, qui est le cœur de notre développement humain.

ResiliArt for MONDIACULT 2022

ResiliArt a été lancé par l’UNESCO en avril 2020 en tant que mouvement mondial visant à mettre en avant la résilience et les préoccupations des artistes et des professionnels de la culture face à la crise du COVID-19 à travers des débats virtuels, organisés de manière indépendante. À l’approche du MONDIACULT 2022, le mouvement ResiliArt a évolué, invitant les communautés culturelles et créatives, les dirigeants et les penseurs à réfléchir profondément à l’état actuel de la culture. Les recommandations, données et résultats des débats ResiliArt x MONDIACULT 2022 sont rassemblés dans une enquête en ligne et analysés par l’UNESCO pour éclairer les discussions de haut niveau en identifiant les besoins, lacunes et opportunités sur le terrain. Tous les débats sont organisés indépendamment et les opinions exprimées sont celles des organisateurs et des participants.