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Interview avec Pansy Tlakula, régulatrice de l’information en Afrique du Sud

Le 28 septembre, c’est la Journée internationale de l’accès universel à l’information. L’UNESCO s’efforce de faire en sorte que partout dans le monde, les individus jouissent de ce droit de l’homme fondamental. Pansy Tlakula, régulatrice de l’information en Afrique du Sud, explique à l’UNESCO comment son pays a récemment fait des progrès pour garantir une plus grande transparence et la libre circulation de l’information.
Pansy Tlakula

L’Afrique du Sud a-t-elle une loi sur le droit à l’information ?

Oui, la « Loi sur la promotion de l’accès à l’information » a été adoptée par le Parlement en 2000 et est entrée en vigueur en 2002. Sur le continent africain, nous avons été l’un des premiers pays à introduire ce type de législation. Nous sortions de l’apartheid et étions en train de bâtir notre démocratie. Nous mettions la culture du secret derrière nous et voulions que cette loi soit l’une des premières à être adoptée. À l’époque, la société civile et le gouvernement étaient sur la même longueur d’onde, le nouveau gouvernement était composé d’anciens militants anti-apartheid, il était donc plus facile de faire adopter une telle loi.

Après son adoption, la Commission sud-africaine des droits de l’homme a été chargée de surveiller et de faire appliquer la loi. Mais cette instance n’avait pas vraiment de pouvoirs d’exécution, il n’y avait pas de conséquences en cas de non-réponse à une demande d’information émanant d’une entreprise, d’un organisme gouvernemental ou d’un particulier. La personne qui demandait des informations devait ester en justice et les individus étaient découragés par ce système.

La loi ne peut donc pas être appliquée ?

Elle peut l’être maintenant. À partir de 2021, la loi a été beaucoup renforcée par des amendements. Tout d’abord, en 2016, la fonction de régulateur de l’information a été créée, afin de protéger et de promouvoir le droit au respect de la vie privée et la protection des données, et de reprendre le contrôle du droit à l’information de la Commission des droits de l’homme.

Ensuite, l’année dernière, le régulateur de l’information a été doté de nouveaux pouvoirs d’exécution, notamment le droit de porter plainte contre un organisme public ou privé qui ne respecte pas la loi sur la promotion de l’accès à l’information. L’amendement inclut les partis politiques dans la définition d’un organisme privé, ce qui représente donc un renforcement significatif de la loi. Nous sommes l’un des rares pays au monde dans lequel le droit à l’information s’applique aux informations détenues à la fois par des organismes publics et privés.

Avec ces nouveaux pouvoirs, pouvez-vous aider les individus à obtenir les informations dont ils ont besoin ?

Oui. Depuis 2021, le régulateur de l’information a le pouvoir d’assigner des personnes à comparaître devant lui. Une fois que nous avons enquêté sur une plainte, nous pouvons la transmettre au Comité d’application pour qu’il établisse des conclusions et recommande une sanction, qui peut aller jusqu’à la responsabilité pénale.

Pendant la pandémie, une femme bénéficiant d’une police d’assurance-vie a présenté une demande de paiement de la police lorsque son père est décédé du COVID. La compagnie d’assurance faisait la sourde oreille. Elle a alors demandé des informations sur les raisons du non-paiement, et la compagnie d’assurance ne les a pas fournies. Elle a donc déposé une plainte auprès de nous. Lorsque nous avons informé la compagnie de la plainte, celle-ci a fourni les informations et a payé immédiatement !

Une société de production musicale a ensuite demandé à une société de redevances des informations sur le nombre de fois où ses vidéos avaient été utilisées et par quelles chaînes de télévision. La société de redevances n’a pas souhaité divulguer cette information et la société de musique a donc déposé une plainte auprès de nous. Vous savez, le paiement des redevances est un véritable problème, des artistes tombent dans la pauvreté parce qu’ils ne reçoivent pas leurs redevances. Nous avons donc décidé d’ouvrir une enquête et avons permis aux producteurs de musique, des personnes ayant des problèmes similaires, de se manifester afin de sensibiliser au problème.

Aujourd’hui, l’enquête est terminée et l’enquêteur rédige un rapport qui sera transmis au Comité d’application, qui décidera si les informations doivent être divulguées ou non. Bien sûr, si ces dernières doivent l’être, cela pourrait conduire au paiement de redevances et nous aurons créé un précédent juridique.

La révolution numérique a-t-elle aidé ou entravé la libre circulation d’informations exactes ?

Elle est censée avoir amélioré la libre circulation de l’information, mais dans les pays où il existe une fracture numérique entre ceux qui ont des moyens et les autres, ce n’est pas le cas. Les pouvoirs publics peuvent communiquer sur les services qu’ils proposent, mais à qui cela peut-il profiter lorsque le coût des données est si prohibitif ? Il faut des données pour accéder à ce type d’informations.

La prolifération de la désinformation est également un nouveau problème à l’échelle mondiale. En abordant ce problème, nous devons veiller à ce que la liberté d’information et la liberté d’expression ne soient pas restreintes de manière déraisonnable.

Comment pouvez-vous aider les citoyens à exercer leur droit d’accès à l’information ?

Nous nous concentrons sur l’autonomisation des populations au niveau local sur la manière d’utiliser la loi pour demander des comptes au gouvernement. Le 28 septembre, Journée internationale de l’accès universel à l’information, nous n’irons pas dans des centres de conférence climatisés. Non, cette fois, nous irons vers les gens ! Nous serons à Soweto pour célébrer la Journée internationale et pour donner aux populations les moyens d’agir et les informer sur la Loi sur la promotion de l’accès à l’information.