Système d’alerte aux tsunamis : Se préparer à l’imprévisible

Comment le travail de l’UNESCO sur le système d’alerte précoce aux tsunamis réduit le risque de catastrophes côtières susceptibles d’engendrer mort et dévastation.
Dernière mise à jour30 juin 2022

L’UNESCO est l’agence des Nations Unies chargée de l’océanographie. Forte de sa Commission océanographique intergouvernementale à laquelle 150 États membres ont adhéré, et de son expertise dans les domaines de la culture et de l’éducation, l’UNESCO coordonne les actions des gouvernements, des scientifiques, du secteur privé, de la société civile et d’autres organisations des Nations Unies. Ensemble, nous avons créé le système d’alerte aux tsunamis. Nous cartographions les profondeurs des océans, identifions les espèces, veillons à ce que la connaissance des océans fasse partie intégrante des programmes scolaires et protégeons les sites océaniques d’une beauté incomparable, abritant une biodiversité essentielle. Dans ce récit, nous vous donnons plus de détails sur le travail de l’UNESCO concernant le système d’alerte précoce aux tsunamis, son fonctionnement et la façon dont il permet de sauver des vies.

Les tsunamis sont des phénomènes rares. Mais lorsque la fureur de la nature se déchaîne, leurs conséquences mortelles sont dévastatrices. Si l’impact initial occupe les unes des médias, les répercussions sur les communautés, les moyens de subsistance et l’environnement, elles, perdurent pendant de nombreuses années après la catastrophe naturelle.

Au cours du siècle dernier, 58 tsunamis ont fait plus de 260 000 victimes, dépassant ainsi l’ensemble des autres risques naturels. Davantage de tsunamis sont à prévoir à l’avenir, compte tenu de la montée du niveau de la mer causée par le changement climatique.

Ainsi, se préparer à l’imprévisible peut faire la différence et s’avérer la clé de la survie.

11 mars, 14 h TU : la Terre tremble

Un tremblement de terre secoue l’Atlantique, à 100 km à l’est des Petites Antilles — un long et délicat arc de petites îles des Caraïbes s’étendant entre la mer des Caraïbes et le grand large. L’archipel volcanique, qui recense 3,2 millions d’habitants, est situé sur l’une des plaques tectoniques qui reposent sur la croûte terrestre.

Lorsque la plaque glisse le long de la ligne de faille des Caraïbes, une explosion massive d’énergie, comparable à celle d’une ogive nucléaire, déclenche une onde de choc géante à 25 km sous la surface de la planète.

Les puissants tremblements de terre sont par nature très dévastateurs. Mais ils peuvent également être à l’origine d’autres risques naturels cataclysmiques.

Lorsque le fond marin se soulève brusquement, il déplace des volumes d’eau gigantesques, produisant de puissantes vagues qui se propagent dans toutes les directions, à l’image des ondulations d’une pierre jetée dans un étang.

Les Petites Antilles, situées face à l’océan, sont en première ligne de cette vague menaçante. Les grandes îles — Cuba, Haïti, la Jamaïque et Porto Rico — ainsi que les communautés du golfe du Mexique et des côtes du Venezuela, sont également menacées. Près de 160 millions de personnes sont en danger imminent.

Vagues de tsunami : photos numérisées de la collection de l’ITIC (Centre international d’information sur les tsunamis)

11 mars, 14 h 02 TU : le tremblement de terre est détecté, les capteurs de tsunamis s’activent

La station de surveillance de la Martinique détecte la secousse et l’estime à 8,5 sur l’échelle de Richter. Cette forte magnitude est inquiétante. Les séismes majeurs qui ont lieu sous la mer sont à l’origine de tsunamis mortels. Pourtant, les détecter visuellement au grand large demeure une tâche difficile, car la hauteur des puissantes vagues des tsunamis est faible lorsque ces dernières traversent les eaux profondes.

C’est pourquoi les marégraphes présents sur la côte et les balises flottant sur les eaux profondes surveillent en permanence les océans pour détecter tout changement alarmant. Ces sentinelles silencieuses examinent et suivent à la trace tout changement, même imperceptible, de la température du fond marin et de sa pression.

Une balise océanique ancrée dans les profondeurs de Barbuda — une île corallienne plate, bordée de plages de sable blanc et rose et d’eaux cristallines — détecte la force de la vague sous-marine invisible et alerte le centre de surveillance de l’île jumelle d’Antigua.

11 mars, 14 h 05 TU : le système d’alerte aux tsunamis lance l’alerte

Antigua entre les données relatives à la force de la vague imminente dans le système d’alerte aux tsunamis, qui alerte tous les observatoires de la région. Les autorités de l’ensemble des pays voisins sont immédiatement averties : la transmission rapide des informations aux centres spécialisés est essentielle afin de limiter les dégâts causés par les tsunamis.

Prévision et prévention des catastrophes



La prévention des catastrophes de grande ampleur nécessite un haut degré de coopération internationale et multilatérale. À la suite du tsunami de 1960 au Chili, ayant causé des victimes et des dégâts jusqu’au Japon, la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO (COI-UNESCO) est intervenue afin de mettre en place le tout premier système d’alerte aux tsunamis dans l’océan Pacifique.

Le séisme d’une magnitude de 9,5 au Chili, le plus violent enregistré au XXe siècle, a déclenché un tsunami qui a frappé les côtes sud-américaines sur plus de 4 000 km avec des vagues pouvant atteindre 25 m de haut.

Quinze heures plus tard, le tsunami, qui avait déjà parcouru 10 000 km, s’est abattu sur Hawaï, puis le Japon et les Philippines, faisant plus de 2 000 morts.

L’ampleur de la catastrophe a mis en évidence la nécessité d’un système d’alerte dans le Pacifique, où ont lieu la majorité des tsunamis les plus meurtriers au monde. Au fil des ans, le système d’alerte a évolué au-delà de l’émission d’avertissements. Aujourd’hui, le rôle de l’UNESCO consiste à faire de la prévention, à préparer les populations à réagir face aux menaces de tsunamis et à encourager le développement de nouvelles technologies de suivi et de détection.

D’autres régions à risques, telles que l’océan Indien, les Caraïbes, l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, ont également adopté des systèmes d’alerte précoce aux tsunamis basés sur le modèle du Pacifique.

11 mars, 14 h 15 TU : lancement des alertes publiques

Le raz-de-marée est déjà visible des Petites Antilles. Il ne reste que peu de temps avant qu’il n’atteigne la côte. Dans les profondeurs de l’océan, les vagues du tsunami peuvent parcourir des milliers de km, jusqu’à 800 km par heure, soit la vitesse d’un avion à réaction.

En Martinique, le gouvernement local avertit les municipalités et les médias, qui publient immédiatement des alertes. Les sirènes et les haut-parleurs de la police donnent des ordres d’évacuation. Guidés par leurs enseignants, les écoliers se pressent hors de leurs salles de classe, en direction des hauteurs. Les employés de bureau et les touristes se réfugient sur les toits des immeubles d’habitation.

Donner aux communautés les moyens de réagir



Un système d’alerte précoce ne peut être efficace que si la population a véritablement connaissance du phénomène de tsunami et sait comment agir en cas d’urgence.

Ce point est essentiel lorsque les tsunamis se produisent près de la côte et qu’on ne dispose pas du temps nécessaire à la transmission d’ordres d’évacuation officiels.

Dans le cadre des plans de coordination COI-UNESCO, les populations sont équipées pour jouer un rôle actif en s’auto-évacuant si un puissant séisme était ressenti ou si un fort grondement — semblable à celui d’un train ou d’un avion à réaction — était entendu. Des itinéraires d’évacuation parfaitement visibles et étiquetés permettent d’indiquer le meilleur accès aux terrains en hauteur des environs ou aux étages supérieurs des bâtiments résistants aux tsunamis.

11 mars, 14 h 16 TU : le niveau de la mer baisse

Lorsque le tsunami s’approche de la côte, la mer se retire en raison de l’effet d’aspiration provoqué par la vague. L’eau présente le long du littoral d’Anguilla, le plus au nord des îles sous-le-Vent britanniques, recule de façon spectaculaire et met à nu le récif corallien peu profond ainsi que de nombreuses créatures marines échouées.

L’extension du littoral est le moyen utilisé par la nature pour signaler l’approche d’un tsunami. Cela signifie qu’il ne reste que quelques secondes, voire quelques minutes, avant le plein impact de la première vague.

Quand la mer se retire



Les survivants du tsunami de 2004 ayant eu lieu dans l’océan Indien ont déclaré que l’eau s’était retirée sur une distance allant jusqu’à 2,5 km le long des côtes indonésienne et thaïlandaise. Des témoins, dont de nombreux enfants, se sont attardés sur la plage nue afin d’observer le phénomène et ramasser les poissons échoués.

Le manque de sensibilisation au tsunami, combiné à l’absence de système d’alerte coordonné, a contribué au nombre élevé de victimes. On estime à 227 000 le nombre de victimes dans 14 pays, l’Inde, l’Indonésie, le Sri Lanka et la Thaïlande étant les plus durement frappés.

Toutefois, certaines communautés côtières indonésiennes ont été capables d’évacuer les lieux malgré l’absence d’alerte, et ce, grâce aux traditions locales et au folklore développé lors de précédents tsunamis.

Cette tragédie a souligné qu’il est important de comprendre les signes avant-coureurs de l’approche d’un tsunami.

Par exemple, le « retrait de la mer » peut ne pas être observé du tout. Il arrive que la mer gagne en volume soudainement, sans aucun signe alarmant, surprenant les populations et leur laissant peu de temps pour fuir.

Les tsunamis peuvent être détectés à l’aide des sens humains

Panneaux d’évacuation en cas de tsunami

11 mars, 14 h 20 TU : la première vague frappe

Lorsque la houle s’approche du rivage, le bord de la vague commence à ralentir dans les eaux peu profondes. Alors que le tsunami perd en vitesse à l’approche de la côte, la première vague grossit soudainement atteignant jusqu’à 20 m de haut. L’immense mur d’eau se précipite vers le littoral, démolissant tout sur son passage. La force de la vague est suffisamment puissante pour renverser les bateaux, abattre les palmiers et balayer les cabanes de plage.

Pourquoi l'appelle-t-on tsunami ?



Plus la côte est plate, plus l’impact des vagues sera fort. C’est la raison pour laquelle les effets des tsunamis sont plus dévastateurs dans les ports, sur les plages et à l’embouchure des rivières. Cela explique aussi l’origine du mot. En japonais, tsunami signifie vague de baie ou de port.

11 mars, 14 h 40 TU : la deuxième vague frappe

Les tsunamis déferlent toujours par vagues successives. La première n’est pas nécessairement la plus grande. La deuxième, ou les suivantes sont souvent les plus importantes.

La deuxième vague, d’une hauteur de 30 m, frappe tout juste cinq minutes après la première. Les zones côtières sont alors complètement dévastées et submergées.

 Nous avons entendu une deuxième vague, puis une autre. Il n’y avait plus de maisons. 

Markus KailhuluSurvivant du tsunami

Un survivant du tsunami

En 1950, Markus Kailhulu avait 12 ans et vivait dans le village de Hutumuri en Indonésie, lorsqu’un tsunami a frappé les Moluques. Les villageois, qui avaient évacué vers les hauteurs, ont assisté à la dévastation causée par les vagues.

 Nous sommes allés voir et cela ressemblait à une inondation, vu d’en-haut. Nous avons entendu une deuxième vague, puis une autre. Il n’y avait plus de maisons, tout avait disparu, explique-t-il. Les vagues ont tout balayé. Elles ont touché le bord de la montagne, et sont reparties en emportant les maisons. L’église était le seul bâtiment restant. 

Markus KailhuluSurvivant du tsunami

11 mars, 15 h TU : d’autres vagues frappent

Les deux premières vagues étaient d’immenses murs d’eau. Les autres ressemblent maintenant à une marée déferlante qui inonde les zones côtières et charrient les débris des destructions causées par les vagues précédentes.

Des quartiers entiers ont été emportés. Sur les collines, les gens regardent le paysage de désolation en contrebas, avec peur et incompréhension.

Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis



Les personnes victimes d’un tsunami doivent être conscientes que le danger est peut-être encore présent et attendre la confirmation officielle qu’elles peuvent rentrer en toute sécurité. La sensibilisation et l’éducation des populations côtières sont essentielles pour préparer les citoyens à réagir face au risque de tsunamis et à affronter leurs conséquences. La Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis, soutenue par les Nations Unies, est une idée du Japon, qui, en raison de sa grande expérience des tsunamis, a acquis au fil des ans une solide expertise en matière d’alerte précoce et de sensibilisation du public afin de réduire les impacts futurs. Cet événement, qui a lieu le 5 novembre de chaque année, a pour but d’encourager les pays, les organismes internationaux et la société civile à sensibiliser aux tsunamis et à partager des approches innovantes permettant de limiter le nombre de morts et les dommages. Des affiches, des dépliants, des cours et des directives en ligne ainsi que des jeux apprennent aux enfants, qui font partie des groupes les plus vulnérables, à identifier et à faire face à un tsunami.

Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis

« Le jeu est amusant et vaut la peine d’être essayé ». Jeu de société Tsunami Ready, Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis 2021, océan Indien.

Jouer le jeu de la préparation aux tsunamis

Le Centre d’information sur les tsunamis de l’océan Indien a mis au point un jeu de société « Tsunami Ready » [Prêts face au tsunami] destiné aux enfants issus des communautés côtières. « En jouant à ce jeu, j’apprends beaucoup de choses, notamment sur les mesures de limitation des risques que nous pouvons prendre à l’échelle de la communauté, de la famille et de l’individu », explique Sasa Tsairoo, un jeune joueur qui a participé à la Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis en 2021. « Le jeu est amusant et vaut la peine d’être essayé ».

11 mars, 19 h 43 : début des opérations de sauvetage et de reconstruction

Les autorités locales annoncent la « fin d’alerte », indiquant qu’il est possible de retourner en toute sécurité dans les zones côtières. La population se précipite dans les rues, abasourdie. Au milieu des inondations et de la dévastation, les équipes de recherche et de sauvetage s’activent à travers l’archipel, tentative désespérée de trouver des survivants. Les installations assurant les services essentiels comme l’approvisionnement en eau, gaz, électricité et télécommunications sont hors d’usage. Le littoral est dévasté par les inondations, les bâtiments endommagés, les débris, les incendies et les fuites de produits dangereux. De nombreuses personnes sont portées disparues. Beaucoup d’autres ont perdu leur maison et devront peut-être trouver refuge dans des abris ou des bâtiments publics jusqu’à ce que la reconstruction commence.

Réalité ou fiction ?



Ce rapport est en fait le scénario fictif d’un tsunami dans les Caraïbes, basé sur un exercice de simulation.

Caribe Wave est un exercice annuel de préparation aux tsunamis mis en place par les Nations Unies et supervisé par la COI-UNESCO. La date et l’heure de la simulation ne sont pas le fruit du hasard : il s’agit de l’anniversaire du tremblement de terre et du tsunami qui ont fait près de 16 000 morts au Japon le 11 mars 2011.

Sous la supervision de la COI-UNESCO, les exercices permettent aux différents pays et territoires, aux agences de gestion des urgences et aux populations à risque de tester, valider et mettre à jour leurs plans d’action en cas de tsunami.

L’exercice, qui, en 2019, a mobilisé jusqu’à 800 000 personnes pour simuler un scénario catastrophe, est axé sur la coordination entre les pays, l’amélioration des procédures d’intervention et la formation de la population locale afin qu’elle soit prête.

Il joue également un rôle clé dans la promotion de populations résilientes. Les tsunamis constituent une menace réelle dans les Caraïbes. Pas moins de 75 tsunamis ont frappé la région au cours des 500 dernières années. Certains pays faisant face au golfe du Mexique sont également exposés à la double menace des tsunamis le long de leurs côtes pacifiques.

Grâce à Caribe Wave, plus de 50 communautés côtières sont désormais considérées comme préparées aux tsunamis. Autrement dit, ces communautés disposent désormais des outils nécessaires pour affronter non seulement les tsunamis, mais également les autres risques côtiers.

Reconnaissance du programme « Tsunami Ready »



Depuis 2021, six pays ont piloté le programme « Tsunami Ready » de l’UNESCO, tandis que sept autres sont en cours. Le programme vise à former des communautés résilientes grâce à des stratégies de sensibilisation et de préparation qui protégeront les vies, les moyens de subsistance et les biens, lors de futurs tsunamis.

 La capacité à améliorer notre préparation aux catastrophes est, pour nous à Saint-Kitts-et-Nevis, l’une des réussites du programme “Tsunami Ready” Il s’agissait d’un point vital et essentiel, englobant également les risques côtiers. 

Abdias SamuelCoordinateur national des catastrophes à l’Agence nationale de gestion d’urgence de Saint-Kitts-et-Nevis.

« Notre capacité à améliorer notre préparation aux catastrophes » — Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis 2021, Saint-Kitts-et-Nevis

Se préparer aux tsunamis à venir

À travers le monde, des millions de personnes vivent dans des zones côtières où l’élévation du niveau de la mer augmente le risque de tsunamis.

En 2021, les Nations Unies ont fixé l’objectif de préparer toutes les populations à risque aux tsunamis d’ici 2030. La reconnaissance du programme « Tsunami Ready » de la COI-UNESCO a montré comment différents pays et communautés peuvent travailler ensemble à réduire le risque de catastrophes côtières susceptibles de provoquer la mort et la destruction, frappant les moyens de subsistance des populations vulnérables.

En améliorant les alertes, en renforçant la préparation et en pratiquant des exercices d’intervention, ces communautés peuvent se préparer et devenir résilientes, ensemble.

« Le programme “Tsunami Ready” réduit les risques pour nos communautés ». Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis 2021